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de la science, et les idées qui les avaient inspirées passèrent par une réalisation progressive dans la pratique de la politique commerciale de l’Angleterre ; elles marquaient bien, et c’est pour cela que nous y avons insisté un peu longuement, les deux tendances corrélatives et permanentes de cette politique : d’un côté, faire des impôts indirects, dont le fardeau est à peine senti dans les temps prospères, la base principale, exclusive presque, du revenu public ; de l’autre, pour favoriser le mouvement du commerce et de l’industrie qui alimentent ces impôts, écarter au dedans par des remaniemens de tarif, au dehors par des traités de commerce, les obstacles fiscaux qui paralysent le placement des marchandises anglaises[1].

Après l’excise scheme de sir Robert Walpole, quoique plusieurs cabinets, celui surtout de M. Henry Pelham, son successeur et son élève, aient déployé dans l’administration des intérêts commerciaux beaucoup de zèle et d’intelligence, il faut descendre jusqu’au ministère de M. Pitt pour rencontrer une mesure qui caractérise avec éclat la politique commerciale de l’Angleterre. Il y a dans la carrière de M. Pitt deux parties bien distinctes, divisées par la révolution française. Les souvenirs que le nom de Pitt réveille parmi nous appartiennent surtout à la seconde, durant laquelle il servit les haines et peut-être les intérêts de son pays contre la France avec une énergie si opiniâtre. Déjà, néanmoins, pendant la première période de son administration, période pacifique qui s’ouvre à l’époque où, à l’âge de vingt-quatre ans, il remonta premier ministre au pouvoir d’où l’avait pour un moment renversé la coalition de M. Fox et de lord North contre lord Shelburne, M. Pitt avait mérité d’être placé au premier rang parmi les hommes d’état dont l’Angleterre s’honore. Il ne s’était pas seulement distingué dans les luttes de la chambre des communes par l’élévation de sa raison, par la sûreté de son jugement, et par une science consommée des artifices les plus délicats et des formes les plus splendides de l’éloquence ; de vastes mesures financières, d’habiles réformes administratives, avaient signalé dans le jeune chancelier de l’échiquier un génie pratique non moins remarquable. Parmi les titres qu’il acquit à cette illustration, le plus considérable, sans doute, est le célèbre traité de commerce qu’il conclut avec la France en 1786.

La nouveauté radicale des stipulations de ce traité, les conséquences économiques qu’il eût pu avoir, si la guerre de 1793 ne l’avait rompu

  1. Coxe, Memoirs of sir Robert Walpole. — Ad. Smith’s Wealth of nations.