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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/647

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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

avait acquitté jusqu’alors les droits de douane à l’importation des marchandises ; désormais il ne les paierait plus qu’à la mise en consommation, ce qui lui épargnerait des avances de fonds considérables et donnerait au commerce de réexportation une entière liberté. Les avantages de cette dernière partie du plan de sir Robert Walpole étaient certains ; l’expérience ultérieure de l’Angleterre et des grandes nations commerçantes les a irrécusablement constatés. Cependant, chose étrange, phénomène peut-être unique dans l’histoire de l’économie politique, sur ce point le pouvoir devançait trop son époque. Sir Robert Walpole ne put faire accepter par ses contemporains ses hardis projets de réforme. Peut-être en compromit-il le succès par cette fausse prudence qui lui faisait toujours craindre de soulever des tempêtes en attaquant les grandes choses comme il faut les attaquer, avec franchise et vigueur. On pourrait, en renversant un mot du cardinal de Retz, dire de lui qu’il eut en cette circonstance le cœur moins haut que l’esprit. Il n’osa pas présenter tout d’abord l’ensemble de son système : il voulut en détacher des parties comme pour essayer l’opinion. Ce fut la cause de son échec. Les partis hostiles et les intérêts puissans engagés dans la contrebande qu’enrichissaient les droits prohibitifs soulevèrent contre l’intention et la portée de l’excise scheme d’injustes défiances. Walpole disait qu’il voulait changer les droits payés à l’importation, les custom duties, en droits payables à la mise en consommation, en excise duties. Ce malheureux mot d’excise, qui n’avait désigné jusque-là que des impôts indirects extrêmement impopulaires, lesquels donnaient aux agens du pouvoir sur la vente au détail de certaines marchandises de grande consommation un contrôle vexatoire, ruina dans l’opinion le projet de sir Robert. On ne voulut y voir que l’avide calcul d’un ministre des finances, et non l’œuvre habile et féconde d’un homme d’état économiste. Les chefs de partis signalèrent et les masses redoutèrent un piége fiscal dans l’excise scheme. Walpole avait voulu en commencer l’application sur les tabacs : le bill qu’il avait proposé dans ce but (1733) avait subi dans la chambre des communes une première épreuve favorable ; mais l’agitation populaire fut si universelle et si violente (à Londres il y eut même une émeute où la vie du premier ministre fut gravement exposée), que sir Robert Walpole retira le bill et ajourna l’exécution de ses projets. Les embarras qui l’assaillirent peu de temps après dans la politique extérieure, et le poursuivirent jusqu’à sa chute, l’empêchèrent d’y revenir. Adam Smith les réhabilita plus tard au nom