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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/685

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ARISTOPHANE.

l’homme d’état. Périclès sait que sa parole retentira au loin comme le tonnerre auquel on le comparait ; il sait que les alliés l’écoute : c’est donc à toute la Grèce qu’il s’adresse indirectement ; il lui déclare que, si Athènes a de vaillans soldats et fait des actions héroïques, elle doit cette force et cette fécondité à ses institutions ; puis ces institutions, il les déploie devant ses auditeurs avec des commentaires qui doivent séduire, même sous la gravité de sa parole. « Nos institutions, dit-il, n’ont rien à envier à celles de nos voisins ; nous servons de modèles à quelques-uns, mais nous n’imitons personne. Et parce que cette forme de gouvernement ne fonctionne pas sous la direction d’un petit nombre d’hommes, mais par l’action de tous, on l’appelle démocratie. Par nos lois civiles, nous sommes tous égaux devant la justice ; dans la hiérarchie, chacun, selon la spécialité qui le recommande, est appelé aux affaires publiques, non à cause de la classe dont il fait partie, mais en vertu de son mérite personnel. Qu’il soit pauvre, peu importe : s’il peut rendre service à l’état, l’obscurité de sa condition ne le fera pas repousser. » De là, Périclès arrive insensiblement à un parallèle entre les Lacédémoniens et les Athéniens ; les premiers, pour être rudes et grossiers, ne sont pas plus courageux ni plus habiles que les enfans de l’élégante Athènes ; les seconds, pour être éloquens et instruits, n’en sont pas moins propres aux grandes entreprises de guerre ; Athènes sait quitter les plaisirs pour les travaux ; elle ne méprise ni les indigens, ni les travailleurs, mais les inutiles : elle parle beaucoup, il est vrai, elle délibère volontiers ; mais il en résulte qu’elle connaît le danger lorsqu’elle l’affronte, tandis que chez les autres, c’est l’ignorance qui donne la hardiesse et la réflexion qui intimide. En un mot, Périclès revêt des plus nobles pensées sa théorie démocratique ; il en déduit logiquement la force de son pays, au milieu de ces funérailles même qui attestent une défaite : fermeté habile, confiance dominatrice, qui ajoute encore à l’effet politique de ce discours.

La guerre du Péloponèse fut donc essentiellement une guerre de principes, ou, si l’on veut, une guerre sociale : l’équilibre des forces conservatrices et des forces progressives était rompu ; les pauvres se soulevaient contre les riches, les classes industrieuses et commerçantes contre les aristocraties militaires. On conçoit que, par le seul effet moral d’une question ainsi posée, la démocratie, toujours si inflammable, devait s’embraser au degré le plus intense ; elle acquit alors en effet toute l’énergie folle et jalouse qui la distingue, mais les évènemens qui suivirent ces préliminaires la caractérisèrent