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rien des biens de votre père, car vous êtes un bâtard, et non pas un enfant légitime. — Moi, un bâtard ? Qu’est-ce que tu me dis là ? — Je vous dis pardieu que vous êtes un bâtard, né d’une femme étrangère. Et comment donc Minerve serait-elle l’unique héritière, quoique fille, si elle avait des frères légitimes ? » Le cercle est vicieux ; mais le gros sens d’Hercule s’y trouve emprisonné. Cependant il a entendu parler quelque part d’une portion disponible, car il dit : « Mais si mon père me laissait par testament ce que la loi accorde aux enfans naturels ? — La loi, répond Pisthétère, ne le permet pas davantage en ce cas-ci. Et ce Neptune lui-même, qui excite vos espérances maintenant, vous disputera les biens de votre père, par la raison qu’il est son frère légitime. D’ailleurs, je vais vous réciter l’article de la loi de Solon : « Le bâtard n’héritera point, s’il y a des enfans légitimes. S’il n’y a point d’enfans légitimes, la succession est dévolue aux plus proches collatéraux. »

Le texte de Solon est décisif, et, comme nous sommes arrivés à ce point que la loi des hommes oblige les dieux, Hercule se rend ; son vote entraîne celui du Triballe, qui d’ailleurs est aussi affamé que son camarade, et Neptune se soumet à la majorité. On s’en va chercher Basiléia, la souveraineté, dans la demeure céleste, pour la marier à un homme, et la pièce finit par le chant d’hyménée. « Ô grande lumière d’or des éclairs ! ô foudre immortelle et brûlante ! ô tonnerres redoutables, aux vastes bruits, porteurs d’orages ! c’est maintenant cet homme qui, par vous, peut ébranler la terre. Par toi, hymen, ô hyménée, il est le maître de tout, et la souveraineté de Jupiter s’assied auprès de lui. » N’est-ce pas le cri orgueilleux de la science humaine, qui espère un jour désarmer le ciel, et ramener à ses lois tout ce qui était merveille et terreur dans la nature ?

III.

Tel est donc Aristophane, et tel était son siècle. Nous l’avons présenté sous ces deux aspects principaux, la critique politique et la critique religieuse, parce que tout ce qui nous reste de lui témoigne que c’était sa préoccupation constante. Partout il attaque la démocratie ; sa verve politique est partiale, sa licence unilatère en quelque sorte ; pas le moindre mot contre l’aristocratie, rien sur les Hilotes ; à peine quelques rares plaisanteries contre Sparte, dont il prend au contraire la défense plus d’une fois, demandant sans cesse qu’on