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ARISTOPHANE.

tout ce qu’on voudra ; Neptune seul ne veut pas qu’on renverse la dynastie régnante. « Vraiment ! répond Pisthétère. Mais ne serez-vous pas des dieux bien plus puissans lorsque ce bas-monde sera gouverné par les oiseaux ? À présent, les hommes cachés sous les nuages blasphèment sans cesse votre nom ; mais si les oiseaux étaient associés à votre divinité, dès qu’un homme, par exemple, après avoir juré par le corbeau et Jupiter, voudrait se parjurer, le corbeau, s’approchant à l’improviste du parjure, lui crèverait un œil. Autre avantage. Si un homme a promis de vous immoler une victime, et qu’ensuite il cherche de mauvaises excuses pour ne pas s’acquitter, en disant : Bah ! les dieux peuvent bien attendre un peu, eh bien ! nous le forcerons de payer, et voici comme. Quand il sera occupé à compter ses écus, ou à prendre un bain, le milan guettera l’occasion, lui dérobera de quoi payer deux moutons, et apportera aux dieux son butin. »

Des raisons d’une telle puissance ne peuvent manquer de convaincre les ambassadeurs, et l’on tombe d’accord sur la première condition. Mais Pisthétère avait oublié une chose ; il avait oublié sa femme, cette Basiléia que Prométhée lui avait tant conseillé de demander. Il la réclame donc après coup, comme un vainqueur qui n’a rien à ménager, et qui peut dire : Malheur aux vaincus ! Neptune se fâche. « Évidemment, dit-il, vous ne voulez pas traiter. Allons-nous-en. — Comme il vous plaira, répond Pisthétère ; point ne m’en chaut. Holà, cuisinier, faites-moi la sauce bonne surtout ! » À ces mots, Hercule n’y tient plus. « Neptune, dit-il, ô le plus singulier des hommes, où courez-vous ? Est-ce que nous allons faire la guerre pour une femme ? — Imbécile, lui répond Neptune, ne vois-tu pas qu’on te dupe ? Tu cours à ta ruine. Quand Jupiter sera mort, après avoir livré son pouvoir à ces gens-là, tu seras dans la misère, car c’est toi qui es l’héritier présomptif de Jupiter ; tout ce qu’il laissera en mourant doit t’appartenir. »

Comme on voit, le caractère des dieux se dégrade de plus en plus dans cette scène. Tout à l’heure, on les montrait impuissans à se venger des blasphémateurs de leur nom ; maintenant on les traite comme des hommes ordinaires, et on discute sur l’éventualité de la mort de Jupiter ; voici qu’on va les soumettre, comme les derniers bourgeois d’Athènes, aux lois de Solon. « Comme votre oncle vous enlace de mauvais raisonnemens ! dit Pisthétère à Hercule en le prenant à part. Venez ici, que je vous dise une chose. Votre oncle se moque de vous, mon pauvre sot. D’après la loi, il ne vous revient