Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/732

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
726
REVUE DES DEUX MONDES.

en consentant à n’exister que comme autorités auxiliaires et consultatives conformément au décret du ministère Lopez, ont donné un noble exemple que les autres provinces s’empresseront, sans aucun doute, de suivre. Barcelone et Valence ont bien mérité de leur pays. Si elles avaient résisté, la révolution se trouvait altérée dans son principe en montant sur le Malabar, le destructeur de Barcelone et de Séville aurait pu sourire à la pensée qu’il léguait à l’Espagne l’anarchie.

La seule manifestation locale de quelque gravité est celle des partisans des fueros dans les provinces basques. Il est plus que probable que les trois provinces se réuniront dans le même sentiment. Ce sera là un difficile problème, une question des plus scabreuses pour les prochaines cortès. La question des fueros avait été tranchée avec le sabre ; un gouvernement régulier doit chercher à la résoudre avec ménagement, peu à peu, graduellement, s’il le faut. L’Espagne n’est pas un pays qu’on puisse amener à l’unité absolue d’un seul coup. Elle s’avance tous les jours vers ce but ; elle finira par l’atteindre, car l’unité est une loi commune à toutes les nations qui se civilisent et se développent. Mais le législateur qui, en pareille matière, fait autre chose que révéler et sanctionner l’œuvre du temps, se prépare des difficultés sans cesse renaissantes et retarde le résultat final plus qu’il ne l’avance.

Tout annonce d’ailleurs jusqu’ici que les prochaines cortès seront animées d’un sentiment patriotique également éloigné des violences révolutionnaires et des utopies rétrogrades. L’harmonie, la bonne intelligence qu’on voit régner entre les Espagnols qui viennent de camps fort divers et représentent des partis qui paraissaient inconciliables, justifient les plus vives espérances à l’endroit de l’Espagne. Il serait si triste, si déplorable, de voir des hommes qui ont donné dans ces graves circonstances des preuves éclatantes de courage, d’habileté, de dévouement, d’abnégation, se rabaisser tout à coup jusqu’aux misères de l’esprit de parti et de l’égoïsme, que nous ne pouvons pas arrêter notre pensée sur des craintes de cette nature. Dussions-nous être taxés d’optimisme et être forcés plus tard à un aveu de crédulité, nous persistons à espérer que la révolution de 1843 est un fait décisif, un mouvement définitif pour l’Espagne, et que ce beau pays, après trente-cinq ans de grandes luttes et de cruelles expériences, veut enfin trouver dans la monarchie constitutionnelle la liberté dont il est digne et le repos qui lui est nécessaire.

Le moment est arrivé pour l’Espagne de s’occuper sérieusement du mariage de la reine. Nous le répétons encore, c’est là une question essentiellement espagnole. Nul n’a le droit d’imposer ses volontés à l’Espagne, de lui faire une loi du désir qu’il peut avoir. Il n’est pas moins vrai qu’il se présente dans cette affaire grave et délicate de hautes considérations politiques qu’un gouvernement sage et prévoyant ne saurait perdre de vue. Est-il possible de se dissimuler qu’il est tel mariage qui, par la force même des choses placerait la Péninsule dans une situation politique qui ne laisserait pas d’in-