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REVUE. — CHRONIQUE.

confuses et désolées du paysage, s’unissent et se fondent pour ainsi dire dans une gracieuse et pénétrante harmonie. Les autres situations du drame ont été traduites, sinon avec un égal bonheur, du moins avec l’énergie familière à M. Delacroix. Ce qu’on pourrait blâmer dans les dessins d’Hamlet, c’est souvent une recherche de la naïveté qui tombe dans l’affectation. Il nous semble aussi que la lithographie n’offre pas toujours la finesse et la précision désirables ; cependant l’œuvre de M. de Delacroix n’en est pas moins une belle suite aux dessins sur Faust, publiés en 1823. Comprise ainsi, l’interprétation des grands écrivains par les artistes appelle plutôt les encouragemens que la critique. L’Allemagne et l’Angleterre ont vu des œuvres remarquables naître de semblables commerces entre la poésie et l’art. Le Faust et l’Hamlet de M. Delacroix prouvent que, dans cette voie féconde, la France peut, quand elle le voudra, ne point rester en arrière des pays qui ont vu naître Cornelius, Retsch et Flaxman.


M. Trullard, connu déjà par une bonne traduction de l’ouvrage de Kant sur la religion, vient de traduire avec le même succès l’Histoire de la philosophie chrétienne[1], de Ritter. Les doctrines des manichéens et des gnostiques, les figures de saint Irénée, de Tertullien, de Clément d’Alexandrie, d’Origène, remplissent le volume qui a paru. Dans un temps où les discussions religieuses semblent se ranimer, c’est une chose importante qu’un ouvrage qui expose avec une haute impartialité les premiers rapports de la philosophie et du christianisme. Un sens droit, étranger à toute espèce de secte, une méthode scrupuleusement historique, sans nulle subtilité d’école, une érudition forte et sévère, ce sont là les qualités les plus apparentes de l’auteur. En reproduisant fidèlement les mérites de l’ouvrage allemand, M. Trullard a rendu un véritable service à la philosophie. Cette savante abnégation s’allie, chez lui, à un mouvement de pensée qui se produit heureusement dans sa préface. Bien traduire est doublement louable, lorsqu’on pourrait écrire et penser pour son compte, à ses risques et périls.


— Les violences du parti ultrà-catholique ont fait à un professeur distingué, M. Ferrari, des loisirs qu’il a dignement employés à composer un ouvrage sur la Philosophie de l’histoire[2]. M. Ferrari, qui a publié à Milan une édition complète des œuvres de Vico, avait un droit particulier à traiter de la question posée d’abord par son grand compatriote. Après être entré bravement dans la profondeur métaphysique et un peu sibylline du sujet, il l’éclaire en discutant les opinions des principaux contemporains, Hegel, de Bonald, de Lamennais, etc., et termine par une histoire fort curieuse des utopies sociales. Quelle que soit l’opinion que l’on se forme des solutions dé-

  1. Librairie Ladrange, quai des Augustins, 19.
  2. Chez Joubert, rue des Grès, 14.