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POLITIQUE FINANCIÈRE DE L’AUTRICHE.

où on sent le besoin de renouveler son existence, d’approprier ses principes et sa conduite aux changemens que le temps a amenés. Cet âge critique se manifesta pour la monarchie autrichienne pendant le règne de Marie-Thérèse. Après la paix de Westphalie, la maison d’Autriche, malgré les humiliations que ce traité lui avait infligées, passait encore pour la puissance prépondérante en Europe. La diplomatie ne voyait d’autre contre-poids à lui opposer que l’alliance de la France et de la Suède, alliance considérée par les petits états de la confédération germanique comme la sauve-garde de leur liberté contre l’ambition des descendans de Charles-Quint. Confians dans ces vieilles formules, les hommes d’état routiniers crurent long-temps satisfaire à toutes les nécessités de la politique en perpétuant cet antagonisme de la maison d’Autriche et de la maison de Bourbon. Mais pour les yeux clairvoyans, l’aspect des choses était bien changé au XVIIIe siècle. Les victoires de Frédéric II, son administration vigilante, son ascendant sur l’opinion, avaient constitué en Allemagne un nouveau centre d’activité qu’il fallut bien, après la guerre de sept ans, compter au nombre des états de premier ordre. Les influences extérieures étaient également déplacées : la France languissait dans une somnolence voluptueuse, la Suède était déchue ; mais, à leur place, deux nations, étrangères un siècle plus tôt aux querelles du continent, y avaient acquis une suprématie inquiétante : l’Angleterre par sa supériorité maritime et son énergie industrielle, la Russie par sa masse colossale. On reconnut donc à Vienne que la politique traditionnelle du traité de Westphalie n’était plus de saison. Dépouillée de l’Espagne et de plusieurs de ses possessions en Italie, contrebalancée en Allemagne par la Prusse, tenue en éveil par l’ambition de la Russie et par la turbulence des Ottomans, la maison d’Autriche ne pouvait plus, sans s’exposer au ridicule, se croire encore un épouvantail pour l’Europe ; sa chute complète, retardée par l’héroïque contenance de Marie-Thérèse, paraissait même inévitable sans une réforme fondamentale dans le système des relations politiques aussi bien que dans l’administration intérieure.

Concentrer l’action du pouvoir, développer les forces productives du pays, consulter dans le choix des alliances, non plus des antipathies systématiques, mais seulement les intérêts du jour, en observant pour règle suprême de tenir continuellement la Prusse en respect, tel était le nouveau plan que le bon sens le plus vulgaire eût indiqué. La difficulté résidait dans l’exécution. Il ne s’agissait de rien moins que de refondre en un corps unique et consistant des