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POLITIQUE FINANCIÈRE DE L’AUTRICHE.

sement l’amas des documens originaux qu’on ne lit guère, des ouvrages surannés qu’on ne lit plus, des ouvrages étrangers que nous ne connaissons pas : son seul défaut, que les gens studieux excuseront aisément, est d’être en disproportion avec le corps de l’ouvrage ; le piédestal trop grand rapetisse la statue. La biographie de l’empereur Joseph a conduit l’histoire de l’Autriche jusqu’aux temps où cette puissance, aux prises avec la France révolutionnaire, se transforme radicalement. Comme publiciste, M. Paganel paraît avoir conservé le libéralisme en faveur sous la restauration, dans ce qu’il avait de généreux et de sympathique ; comme historien, il s’isole systématiquement des écoles en vogue. La manière qui lui est propre est aussi éloignée du procédé pittoresque que de la paraphrase philosophique. Il affecte la concision, la fermeté sévère. En homme qui a pu apprendre dans la pratique des affaires le prix du temps, il semble vouloir économiser le temps de ses lecteurs : avec quelques mots, il fait une phrase, et souvent cette seule petite phrase forme un paragraphe. Cette sobriété, qui vise à la parcimonie du verset biblique, dégénère quelquefois en raideur. Parce qu’on abuse aujourd’hui du cliquetis des paroles creuses, qu’on s’égare impunément dans les détours de la période, faut-il, par opposition, se priver des développemens, dépouiller le fait ou dessécher l’idée ? Nous insistons sur cette remarque, parce qu’elle s’adresse à un auteur qui annonce l’instinct de l’analyse et l’aptitude à la vulgarisation, genre de talent qui exige toutes les ressources de l’art d’écrire.

Joseph II laissa en mourant la réputation d’un tyran fantasque, d’un ennemi du bien public, et pourtant, dit M. Paganel, « à l’heure qu’il est, l’Autriche vit des mêmes idées qu’elle repoussa : tout imprégnée de l’esprit de Joseph, elle prospère avec calme, à l’ombre de ses réformes. Un homme d’état dont nul ne peut récuser la longue expérience et la haute autorité, M. de Metternich, a dit qu’en inoculant ce germe salutaire au corps de la monarchie, Joseph l’a préservée pour long-temps de toutes révolutions. » Cette opinion est pleinement confirmée par un livre récemment publié sous ce titre : Des Finances et du Crédit public de l’Autriche[1], dont l’auteur est M. de Tegoborski, conseiller privé au service de la Russie. Il ressort de cet ouvrage que l’amalgame des races, l’unité administrative, l’égale distribution des charges, rêves de l’infortuné Joseph, n’ont pas cessé d’être la règle du gouvernement autrichien ; que chaque

  1. Deux vol. in-8o, chez Renouard, rue de Tournon, 6.