Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/844

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
838
REVUE DES DEUX MONDES.

jour des résultats importans sont obtenus à petit bruit, et que déjà la situation économique est digne d’un empire qui forme une des grandes divisions politiques de l’Europe. Cette conclusion contraste étrangement avec les idées reçues chez nous. Tous les livres vous diront que l’Autriche, renfermant quatre peuples dont trois détestent le pouvoir qui les régit, est une nation sans argent, sans crédit, sans industrie, sans enthousiasme ; que son gouvernement s’applique par système à faire refluer le cours de la civilisation ; que l’importance numérique de sa population impose à l’Europe, mais que le colosse est sans consistance, et que ses élémens se disjoindraient au premier choc. Ces accusations viennent encore d’être reproduites dans un pamphlet qui fait scandale en Allemagne, et dont notre presse quotidienne s’est emparée. Sous l’influence de ces préventions, nous avons craint à notre tour de rencontrer dans le livre de M. de Tegoborski une apologie systématique du gouvernement autrichien, Après un plus mûr examen, il nous a semblé qu’on pouvait accorder confiance à un travail minutieusement exact, nourri de chiffres et de renseignemens puisés aux bonnes sources. Sans sacrifier bien franchement à la publicité, l’Autriche renonce aujourd’hui à ces habitudes de cachotterie qui ont long-temps justifié les attaques de ses ennemis : elle ouvre aux publicistes sérieux les bureaux de ses ministères. M. de Tegoborski a mis à profit cette disposition pendant un long séjour à Vienne. Les détails qu’il a réunis sur la dette publique, et les opérations du trésor à diverses époques, ses études sur l’assiette des impôts, sur le cadastre, les patentes, les douanes, et surtout les curieux rapprochemens qui mettent en balance l’Autriche, la France et la Prusse, annoncent un économiste attentif et pénétrant. Dans les relations présentes du monde civilisé, la situation financière d’un état est la mesure la plus exacte de sa puissance politique. En conséquence, un intérêt véritable s’attache au livre dont nous allons reproduire les principaux résultats.

La dette publique de l’Autriche se décompose en deux parties : emprunts divers contractés dans le pays ou à l’étranger, avec stipulation d’intérêts, et papier-monnaie remboursable. Après la guerre de sept ans, la dette inscrite s’élevait déjà, en capital, à 367 millions de florins. La stérile campagne de Joseph II contre les Turcs, la lutte désastreuse soutenue contre la France révolutionnaire, commandèrent de nouveaux sacrifices. Une série d’emprunts ruineux éleva en vingt ans le capital de la dette inscrite à 650 millions de florins ou 1690 millions de francs. L’émission du papier-monnaie constitue un