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POLITIQUE FINANCIÈRE DE L’AUTRICHE.

naison n’est pas moins épineuse. Avant de songer à la réaliser, il faudrait, d’une part, corriger une antipathie instinctive entre les Italiens et les Allemands, et d’autre part abolir en Hongrie les traditions féodales qui isolent et stérilisent cette belle contrée. Après ces objections principales surgissent les embarras de détail. Il serait imprudent d’abaisser les barrières protectrices avant d’avoir révisé les tarifs de douanes et toute l’économie des impôts. Beaucoup d’industries qui prospèrent aujourd’hui à la faveur du système prohibitif supporteraient difficilement l’irruption soudaine des produits étrangers. Un tableau comparatif des droits d’entrée, dressé par M. de Tegoborski, démontre que beaucoup d’articles sont dix fois, vingt fois plus imposés sur les marchés autrichiens que dans la sphère du Zollverein. La fabrication et la vente des tabacs, qui constituent en Autriche un riche monopole, sont abandonnées en Prusse à la libre concurrence. On apprécie dans le nord de l’Allemagne l’avantage qu’il y aurait pour l’union douanière à disposer des ports que l’Autriche possède sur la Méditerranée ; par cet arrangement, le Zollverein pourrait acquérir l’importance d’une puissance maritime. Mais pour créer une marine, il faudrait que les états associés commençassent par établir, en faveur de leurs propres armemens, un droit différentiel, et cette clause obligerait l’Autriche à priver Trieste de sa qualité de port franc, à laquelle cette place doit sa remarquable prospérité.

À en juger par des indices récens, le cabinet de Vienne reculerait devant cette complication de difficultés, et, au lieu de s’allier au Zollverein allemand, il songerait à lui opposer une union douanière des états Italiens. On annonce, comme mesures préparatoires, que déjà il est parvenu à faire réduire et égaliser les tarifs de droits perçus pour la navigation du Pô, dans les divers pays traversés par ce fleuve, et que des négociations sont entamées avec les puissances de l’Italie inférieure pour faciliter les communications dans toute la péninsule. En vertu de cette combinaison, l’Autriche, prépondérante en Italie et indépendante en Allemagne, conserverait à l’égard de la Prusse sa neutralité souveraine.

Quelle que soit, au surplus, la résolution du gouvernement autrichien, il lui devient également nécessaire de communiquer une vigoureuse impulsion à son commerce et à son industrie. C’est dans ce but qu’on l’a vu abandonner enfin le système prohibitif : depuis plusieurs années, l’abaissement progressif des droits d’entrée a été combiné de façon à stimuler le génie industriel par la concurrence étrangère, et en même temps à faciliter les échanges extérieurs.