Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/854

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
848
REVUE DES DEUX MONDES.

M. de Tegoborski nous apprend que de nouvelles modifications, arrêtées récemment en conseil, doivent dépasser en importance toutes les réductions précédentes, et rapprocher le tarif autrichien de celui du Zollverein.

Cette verve de réformes, qui va mettre une force nouvelle à la disposition d’un gouvernement absolu, doit-elle être un sujet d’inquiétude pour les pays où le principe démocratique domine, et particulièrement pour la France ? Nous ne le pensons pas. Obligée de se régénérer, l’Autriche n’y parvient, nous le voyons, qu’en abandonnant les erremens de la monarchie pure, pour adopter les ressorts administratifs, les tendances mercantiles des états dont les institutions lui sont antipathiques. Sans se rendre compte de l’évolution qu’elle accomplit, elle déserte le culte des abstractions politiques pour celui des intérêts matériels. C’est en identifiant les intérêts des peuples réunis sous son sceptre qu’elle espère constituer enfin son unité nationale. Ses sujets, que jadis elle aurait voulu isoler, qu’elle maintenait à dessein dans une sorte d’engourdissement, elle les surexcite aujourd’hui en les précipitant dans la voie des spéculations aventureuses. Il est impossible qu’un état despotique contracte la vitalité des nations constitutionnelles sans altérer sa propre constitution, sans assouplir ses rapports avec les étrangers. Évidemment, chaque jour éloigne la possibilité d’une guerre de principes. Mais ce serait caresser une étrange illusion que de saluer le triomphe général des intérêts positifs comme l’inauguration de la paix perpétuelle. Chaque âge a son idéal à poursuivre, ses obstacles à vaincre : la flamme des passions change d’objet selon le vent qui souffle, sans que s’éteigne pour cela le foyer de la passion humaine. En voyant tous les états, despotiques ou populaires, viser à l’envi aux succès industriels, mettre leur gloire à beaucoup fabriquer, se disputer les débouchés, s’entredétruire par la concurrence, on pressent que des difficultés sans nombre ne tarderont pas à surgir, et qu’une politique nouvelle devra être appropriée à un nouvel ordre de choses. Ce que sera cette politique, il y aurait de la témérité à prétendre le deviner ; c’est le grand secret de l’avenir.


A. Cochut.