Fernando. — Eh ! mais, voilà bien des lamentations pour peu de chose, Dorothée ! Rassérène tes yeux ; retiens les perles qui coulent de leurs prunelles. N’expose point les roses de ton visage à se flétrir, et que l’harmonie de ses traits ne soit point altérée par des émotions violentes. Je te le jure par l’amour que j’ai eu pour toi, je ne respirais plus.
Dorothée. — L’amour que tu as eu, Fernando ?
Fernando. — Que j’ai eu, oui, et que j’ai encore : l’amour n’est pas une ombre qui s’évanouisse avec son objet. J’ai cru un moment que c’était la requête de quelque jaloux qui te faisait exiler, ou ta mère qui était morte subitement d’un débordement de bile, ou enfin que ton mari était revenu des Indes. Mais encore une fois, tant de lamentations pour une bagatelle ! Rends à mon cœur la joie de te voir, que m’avait ôtée la tristesse de tes paroles, et retourne-t’en consolée. J’attends un ami pour une affaire, et il ne serait pas convenable qu’il te vît ici. Ce n’est que dans la maison d’un juge ou d’un lettré qu’une dame, et surtout une dame de ta beauté, peut être rencontrée sans soupçon, et non dans un appartement de garçon où il n’y a que des malles, des instrumens de musique ou d’escrime.
Dorothée. — Je pense que tu ne m’as pas entendue.
Fernando. — Quoi ! j’ai si mal répété ma leçon, que je te semble ne l’avoir pas comprise ?
Dorothée. — Quoi ! quand je t’annonce que notre liaison est rompue, tu te consoles si lestement ?
Fernando. — Pas plus lestement que tu ne m’as annoncé notre rupture.
Dorothée. — Je suis morte !
Fernando. — Serais-tu venue morte de chez toi ?
Dorothée. — Penserais-tu que j’ai voulu plaisanter ?
Fernando. — Oh ! certes, non : c’est du sérieux que les nouvelles des Indes. Retire-toi, mon ame, il est tard.
Dorothée. — Et tu me chasses de chez toi ?