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LES AMOURS DE LOPE DE VEGA.

Fermando. — Et qu’as-tu à faire chez moi, si, comme tu dis, tu n’y veux plus revenir ?

Dorothée. — N’y plus revenir ? Et pourquoi ?

Fermando. — Parce que tu t’en vas aux Indes, et qu’entre nous deux il y a la mer.

Dorothée. — Oh ! oui, la mer de mes larmes !

Fermando. — Les larmes des femmes sont la doublure du rire : il n’y a pas d’orage de printemps qui passe aussi vite.

Dorothée. — Qu’as-tu fait pour moi, en tant d’années, qui m’ait obligée à feindre l’amour que j’ai eu pour toi ?

Fermando. — Et toi aussi, tu dis : que j’ai eu ?

Dorothée. — Et je dis bien, car celui-là ne méritait pas mon amour, qui me perd sans regret.

Dorothée, qui attendait des larmes et des prières de Fernando le courage dont elle avait besoin pour résister aux persécutions de sa mère, se retire désespérée. Fernando, resté seul avec Jules, n’est pas moins malheureux qu’elle. L’orgueil blessé, le dépit, la fureur cessant de le soutenir, il s’abandonne à toute la démence de la douleur. C’est alors, et pour essayer de sortir de cet état, qu’il forme le projet d’aller à Séville chercher, non des consolations, non l’oubli de son mal, mais quelque chose de nouveau, d’inconnu, quelque chose qui ne soit pas Dorothée. Un obstacle l’arrête : il manque d’argent pour le voyage ; il se décide à en demander à Marfise, à laquelle il fait accroire qu’il a tué un homme, et qu’il est obligé de fuir au plus vite, pour éviter les poursuites de la justice. Marfise, qui l’aime toujours, bien qu’elle sache à peu près toutes ses relations avec Dorothée, lui donne, faute d’argent, des diamans et des bijoux, avec lesquels il part pour Séville. À peine Dorothée est-elle informée de son départ, qu’elle veut s’ôter la vie, et avale, dans ce dessein, un diamant, ancien présent de Fernando ; mais elle échappe à la mort qu’elle désirait, pour tomber dans les piéges combinés de l’infâme Gherarda et du Crésus américain.

Le second acte est fort étendu ; il comprend six énormes scènes, dans la plupart desquelles il n’y a ni mouvement, ni intérêt dramatique ; ce ne sont guère que de longues conversations plus ou moins spirituelles, et n’ayant d’autre motif que celui de dissimuler à tout prix la pauvreté du sujet. De ces six scènes, il n’en est que deux qui entrent vivement et franchement dans l’action, et auxquelles il faut pardonner d’y entrer par ses côtés scabreux. On y voit Gherarda se démener comme un vieux démon pour arranger les affaires de l’opulent Américain avec cette pauvre Dorothée, qu’elle tremble de voir lui échapper.

Gherarda. — La paix soit sur cette maison, et omnibus bitantibus in ea.

Célie. — À ce latin, je reconnais Gherarda ; c’est un démon que cette vieille.