Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/930

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
924
REVUE DES DEUX MONDES.

avoir pris des bergers et des troupeaux de son pays natal qui n’offre quelque intérêt comme détail biographique. Lope achevait pour le duc d’Albe son roman poétique de l’Arcadie, lorsqu’il se rendit en exil, et il inséra dans ce roman un chant très gracieux sur son départ. Ce chant forme entre la Dorothée et le roman de l’Arcadie un point de contact d’autant plus remarquable, qu’il provoque assez naturellement un soupçon de quelque intérêt pour l’histoire du drame. On sait que le roman de l’Arcadie n’est qu’un récit sérieux et détaillé des jeunes amours du duc, sous le nom pastoral d’Amphryse, avec une grande dame de la cour sous celui de Belisarde. Or, il se peut très bien que la fantaisie d’écrire sa biographie dramatique soit venue à Lope tandis qu’il s’essayait à une œuvre du même genre, à la biographie pastorale du duc.

Ce n’est pas, on le voit, sur quelques traits superficiels, c’est sur un ensemble de preuves nombreuses et variées que s’appuie mon opinion. J’aurais pu prolonger et multiplier encore ces rapprochemens entre les fictions supposées de la Dorothée et les faits réels de la vie de Lope de Vega ; mais les passages que j’ai cités me paraissent plus que suffisans pour constater l’intention toute personnelle, tout individuelle, dans laquelle Lope écrivit ce drame. Nous pouvons maintenant suppléer au silence volontaire ou forcé des biographes sur les amours du poète. Cette lacune importante, c’est lui-même qui l’a comblée. La Dorothée est toute l’histoire de sa jeunesse : c’est une révélation précieuse sur une des périodes les plus dramatiques et les moins connues de sa vie.


Fauriel.