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reçoit le jour par la porte, et à ce luxe de lumière elle joint un certain luxe d’ameublement, car les lits ont des rideaux ; les autres ne sont éclairées que par un étroit soupirail, et les habitués y reposent mollement sur des paillasses que supportent des bois à demi pourris, et qui ont pour toute couverture des chiffons cousus. Là, sur les six grabats, 18 et souvent 20 personnes passent la nuit, dans ces trous dont chacun n’a pas plus de 8 pieds carrés, sur une élévation moyenne de 6 à 7 pieds. Autant vaudrait coucher à la belle étoile, au milieu des marais Pontins.

Le caractère essentiellement nomade de cette population atténue, à quelques égards, les conséquences d’un pareil régime. Liverpool est une ville de passage et de rendez-vous incessamment battue par le flux et par le reflux des émigrans, où les couches inférieures de la société n’ont pas le temps de se fixer, où le domicile et la famille n’existent pas en réalité. Entrez dans le work-house de Liverpool ; sur 1,534 pauvres qu’il renfermait au 22 juillet, l’on comptait 346 hommes, tous avancés en âge ; 712 femmes, la plupart jeunes encore, et 476 filles ou garçons. Ainsi, les femmes et les enfans forment les 77 centièmes des pauvres secourus ; à Manchester, la proportion n’est que de 70 pour 100. Dans la prison, sur 4,560 détenus, il est entré, en 1842, 1,678 femmes, soit 37 pour 100 du nombre total. À Manchester, les femmes ne comptent parmi les détenus que dans la proportion de 20 à 25 pour 100. Cette différence tient sans doute à ce que le travail dans un port de mer n’offre pas les mêmes ressources aux femmes et aux enfans que dans une ville d’industrie. « Il y a bien peu d’ateliers à Liverpool où l’on puisse employer les enfans[1], dit le commissaire du gouvernement, M. Austin. Cependant le grand nombre des femmes et des enfans qui tombent à la charge de la paroisse ou qui sont entraînés à commettre des délits vient surtout de l’abandon dans lequel les hommes laissent leurs familles, soit qu’ils aillent à la mer, soit qu’ils mènent, dans l’intérieur de l’Angleterre, cette vie errante qui a fait donner à une certaine classe d’ouvriers le surnom de navigateurs.

Pour bien comprendre Liverpool, il faut visiter l’asile de nuit (night asylum) à l’heure où commence l’interrogatoire des pauvres qui demandent à être admis. Il est situé dans Wauxhall-Road, au centre du quartier le plus misérable comme le plus malsain, et à quelques pas des fonderies et autres usines qui vomissent, du matin

  1. Children’s employment commission.