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LIVERPOOL.

au soir, autour de l’édifice, des tourbillons de fumée. Rien de plus triste que les abords de cet établissement ; rien de plus négligé que l’administration. Les fondateurs de l’œuvre ne prennent pas la peine, comme cela se pratique en Écosse, d’examiner eux-mêmes les malheureux qui se présentent ; ils délèguent ce soin au gardien de la maison, vieillard asthmatique et morose qui s’en acquitte en fonctionnaire salarié. À Édimbourg, les pauvres admis sont aussitôt plongés dans un bain ; ils reçoivent ensuite une portion de gruau, et la nourriture spirituelle leur est donnée par le chapelain avant l’heure du repos. Ici, nulle trace de charité ni envers l’ame, ni envers le corps, et en retour point de respect pour l’autorité de la maison. On entre le chapeau sur la tête, on siffle, on chante, on crie, on se dispute dans les chambres ; il ne saurait être question de propreté ni de décence, là où trois rangs de lits[1] sont superposés l’un à l’autre comme dans l’entrepont d’un vaisseau.

Malgré ce défaut de règle et de comfort, il y a toujours foule aux portes. En 1842, l’asile a reçu 15,817 individus qui ont donné 37,544 journées de présence, ou 103 individus par nuit. Ce nombre augmente en hiver et diminue en été, jusqu’à présenter une moyenne de 125 en janvier et de 77 en juin. Parmi les 15,817 individus admis en 1842 figuraient 1,246 matelots, 9,643 ouvriers ou journaliers, 2,880 femmes, et 2,046 enfans.

De huit heures du soir à onze heures, j’assistai à la réception des pauvres sans asile, prenant note des motifs qu’ils faisaient valoir pour obtenir un gîte pendant la nuit. Il s’en présenta 78, hommes, femmes ou enfans. Voici les cas sommairement rappelés.

Un matelot avec une jambe de bois, chassé, faute de paiement, du garni où il logeait.

Le cuisinier d’un vaisseau, depuis deux jours à Liverpool, sans ressource, allant à Belfast.

Un journalier de Matyport, cherchant du travail.

Un moissonneur (harvest-man), retournant de Stockport en Irlande.

Une femme écossaise, venant de Manchester à la recherche de son mari.

Une femme avec un enfant naturel, renvoyée de la maison de charité depuis deux jours.

La femme d’un matelot absent, chassée, faute de paiement, du logement qu’elle occupait.

Une femme venant de Halifax pour chercher du travail.

  1. Ces lits triples, que l’on retrouve aussi dans les prisons, sont appelés berths.