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prêtres, d’une polémique plus ou moins divertissante entre certaines vanités irritables ; ne voir que cela serait s’arrêter à l’écorce, à la superficie. Le fond des choses est en jeu. Les révolutions politiques paraissent parmi nous arrivées à leur terme. Avertie par l’expérience, la société ne croit plus qu’il soit sage et utile d’innover sans relâche dans la constitution et le gouvernement ; elle tourne ailleurs, elle applique plus judicieusement son activité. Elle demande aux institutions, à l’industrie, à la science, de lui rendre tout ce qu’elles peuvent lui donner. Dans cette phase nouvelle, les croyances et les idées doivent jouer un rôle important. Or, voici venir l’église qui nous dénonce que seule elle est en mesure de donner à l’homme la certitude et la règle, et aux hommes réunis en association politique, la stabilité. M. l’archevêque de Paris s’est chargé récemment d’apporter le commentaire le plus étendu à ce principe, qu’en dehors de l’église il n’y a pas de salut. Il a déclaré d’une part l’état incapable de poser la base essentielle de l’enseignent public, et de l’autre la société menacée de catastrophes nouvelles, si des principes solidement religieux ne lui étaient pas inculqués. Quelle est la conséquence de cette double proposition, si ce n’est que l’état et la société ne sauraient avoir d’autre refuge et d’autre avenir que de se jeter dans les bras de l’église ?

Cette manière si nette de poser la question ne nous déplaît pas. L’église veut aller au fond des choses ; il faut l’y suivre. De graves autorités ecclésiastiques, ayant à leur tête M. l’archevêque de Paris, estiment l’heure venue de porter une main hardie sur les problèmes les plus redoutables ; il ne saurait y avoir de témérité à accepter une controverse dont l’initiative leur appartient.

Au moment où l’église triomphe de l’impuissance qu’elle attribue à l’état et à la sagesse humaine pour élever les générations nouvelles, il doit être permis de jeter un coup-d’œil sur l’église elle-même, sur sa situation intellectuelle et morale. Quand la révolution de 1789 vint surprendre le clergé, elle le trouva en grande partie incrédule, frivole et corrompu. Assurément, ni la vertu, ni la foi n’étaient éteintes au sein de l’église, mais elles ne prévalaient point. Ce qui dominait alors, c’était un épicuréisme élégant ; les prélats de cour et les abbés de boudoir avaient le pas. Au jour du malheur, les vertus reparurent, et ç’a été la gloire du clergé de France de se sentir et de se montrer ferme et pur dans l’effrayante persécution qui vint fondre sur lui. Il y a cinquante ans qu’a grondé la tempête ; où en est aujourd’hui le clergé ?