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L’ÉGLISE ET LA PHILOSOPHIE.

excite les défiances des supérieurs ecclésiastiques. M. l’abbé Bautain ne nous démentira pas. On a d’invincibles répugnances contre la métaphysique, même quand elle ne se propose qu’une explication respectueuse des données de la foi : on se souvient que les plus damnables hérésiarques ont ainsi commencé.

Ce n’est donc pas par de grandes études religieuses et philosophiques que l’église se propose aujourd’hui d’exercer son influence : toutes ces questions lui font peur ; on dirait qu’à côté de chacune d’elles elle voit un abîme. C’est par d’autres moyens que l’église cherche la puissance, et nous pouvons ici, sous certains rapports, la féliciter de son habileté. Depuis plusieurs années, l’église s’est occupée activement de charité sociale, et elle s’est mise à rivaliser avec les philantropes. Nous retrouvons son action dans la société de Saint-Vincent de Paul, qui s’est proposé le soulagement des pauvres, le patronage des apprentis et des ouvriers, l’instruction des militaires. Plusieurs œuvres attestent la même sollicitude et la même charité : l’œuvre de Miséricorde pour les pauvres honteux, l’œuvre des Amis de l’Enfance, l’œuvre des Nouvelles accouchées. N’oublions pas dans cette énumération, d’ailleurs fort incomplète, les dames du Bon Pasteur pour les filles repenties. Voilà des actes qu’il est permis de louer hautement. Sans doute on peut reconnaître dans l’organisation de toute cette charité le désir d’avoir la main partout, désir qui n’abandonne jamais l’église ; mais ici cette ambition conduit au bien et se rencontre heureusement avec l’esprit de l’Évangile. La religion catholique n’a pas non plus négligé de frapper les sens et les imaginations en augmentant les magnificences de ses cérémonies. Nous voyons aujourd’hui la peinture, la sculpture et la musique rehausser l’éclat de ses temples et de ses pompes, et dans cette pensée de chercher dans le culte une source d’émotions presque dramatiques, la générosité du gouvernement n’a pas fait défaut à l’église. Enfin, pour compléter la grandeur du spectacle, on s’est adressé à l’éloquence : des prédicateurs à la voix sonore, au geste théâtral, montent dans les chaires ; leur apparition est annoncée d’avance dans les journaux, qui rendent aussi compte de leurs sermons les plus fameux. Aussi il y a foule autour de la chaire chrétienne ; on pèse les mérites divers des orateurs les plus en vogue : l’un est proclamé un logicien du premier ordre, mais comme l’autre sait toucher les cœurs ! On compare, on disserte, on discute ; enfin on sort du sermon comme d’une académie ou d’un théâtre. Nous ne voulons pas troubler la joie de ceux qui voient dans ce bruyant concours le triomphe