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FERNAND.

dernier lieu. Elles respiraient toutes une affectueuse et saine raison. Toutes conseillaient à M. de Peveney de se préserver des exagérations du désespoir et d’attendre patiemment le retour des jours meilleurs. Fernand y chercha des encouragemens ; il amollit le sens des phrases ; il y trouva tout ce qu’il voulut y trouver. Enfin il se dit qu’il n’était pas question d’un mariage brusque et précipité, qu’il s’agissait seulement de s’engager dans l’avenir, et que d’ici là les teintes funèbres achèveraient de s’effacer.

C’était une ame faible, noble pourtant. Lorsqu’après une nuit de luttes et de combats intérieurs, il se fut décidé à retourner à Mondeberre, Fernand se demanda si, en fin de compte, il était véritablement digne du bonheur qu’il allait accepter. À cette question, il se troubla, et tous les scrupules qu’il était parvenu à étouffer revinrent l’assaillir en foule ; seulement, au lieu d’Arabelle, c’était Alice, cette fois, qu’il craignait d’outrager. Était-ce bien à lui qu’il appartenait de cueillir cette fleur d’amour, de grace et de jeunesse ? Était-ce dans un cœur dévasté qu’elle devait achever de s’épanouir ? N’allait-il pas abuser de la confiance de Mme de Mondeberre et surprendre sa religion ? Dans son effroi, il se décida au seul parti qui convînt à un honnête homme : il résolut de soumettre son passé à Mme de Mondeberre et de ne prendre pour juge qu’elle-même.

Ce fut dans cette louable intention qu’il se rendit au château. Mme de Mondeberre attendait seule dans le parc l’heure qui devait couronner ou ruiner à jamais son espoir. Alice ne se doutait de rien. En apercevant M. de Peveney, Mme de Mondeberre dissimula mal un mouvement de joie que ne put réprimer entièrement sa dignité de femme et de mère. Elle ne vit et ne comprit qu’une chose : c’est que le retour de Fernand lui présageait le bonheur de sa fille. En se trouvant vis-à-vis d’elle, ce jeune homme n’osa pas d’abord troubler la douce sécurité que sa présence avait fait naître ; il laissa l’illusion grandir et se développer au point qu’il eût été cruel de la désabuser ; puis enfin, lorsqu’il s’y décida, il recula devant l’impossibilité d’un aveu qu’il avait de loin jugé si facile. C’est qu’en effet pour ouvrir un pareil cœur et pour en étaler sans pitié les plaies et les infirmités, il n’eût pas fallu une volonté faible, non plus qu’un médiocre courage. Et c’était à Mme de Mondeberre, à cette ame droite qui n’avait jamais fléchi, à cette chaste imagination qui n’avait pas touché, même du bout des ailes, aux fanges de la vie ; c’était à cette honnête et immaculée créature que Fernand s’était promis de confier le triste roman qui venait de clore sa jeunesse ! C’était Mme de Mondeberre, la sainte femme, la noble veuve, la tendre mère, qu’il s’était