les plus compromis de l’Espagne. Aucune réaction violente n’a suivi sa chute ; aucun de ces excès si malheureusement fréquens dans l’histoire des guerres civiles espagnoles n’a souillé la cause des vainqueurs. Rien de semblable au meurtre barbare de Quesada ou à l’assassinat juridique de Diego Leon. Zurbano lui-même a été admis à résipiscence par le nouveau gouvernement. On dirait un procès fait de sang-froid par toute une nation à un homme, une sentence rendue et exécutée avec le calme de la loi. Peu de colère, point de vengeance, presque pas de bulletins, enfin une révolution semblable à beaucoup d’égards à notre révolution de juillet.
Cet exemple a prouvé qu’il y avait en Espagne ce que beaucoup de gens n’y croyaient pas possible, quelque chose comme un esprit public et une volonté nationale. L’émeute y était devenue si facile à la moindre poignée d’agitateurs, et en même temps si féconde en fanfaronnades ridicules et en déplorables excès, qu’on a été généralement étonné de voir se produire une impulsion universelle, spontanée, dépourvue de toute exagération absurde ou criminelle. Il importe d’ailleurs de ne pas oublier sur quelle question Espartero est tombé. C’est pour avoir refusé d’accepter un programme de conciliation, pour avoir été un obstacle à l’établissement d’un gouvernement parlementaire, que l’homme des cent batailles, le vainqueur de Luchana et de Morella, a été renversé en quelques heures. Le ministère Lopez a été jusqu’à un certain point le ministère Martignac de l’Espagne, et Mendizabal en a été le Polignac, en tant du moins qu’une velléité de despotisme militaire peut être comparée à l’essai de monarchie semi-légale qui a été tenté par Charles X. L’Espagne a eu même sur nous cet avantage, que sa justice a pu s’arrêter au pied du trône, et que la réintégration du ministère Lopez a pu la satisfaire, tandis que la France a dû laisser bien loin derrière elle M. de Martignac, et porter la main jusque sur la couronne et sur la constitution.
Malheureusement la révolution la plus juste laisse après elle des embarras qui n’ont pas plus manqué à l’Espagne de 1843 qu’à la France de 1830. Après avoir obtenu son but légitime, l’insurrection ne s’arrête pas ; l’élan est donné, il se poursuit encore après la victoire, et les élémens de désordre une fois soulevés ne s’apaisent pas du jour au lendemain. À la révolution succède l’émeute, qui croit lui ressembler, et qui n’en est que la coupable parodie. Barcelone et Saragosse ont été pour le nouveau gouvernement espagnol ce que Lyon a été pour le gouvernement sorti en France du mouvement