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ront toujours ces étroites relations de voisinage qui naissent de la configuration éternelle des territoires et non des combinaisons passagères de la diplomatie. L’Angleterre n’a jamais pu concevoir l’espérance de chasser la France d’Espagne ; c’est impossible. Autant vaudrait chercher à séparer l’Écosse de l’Angleterre elle-même.

D’un autre côté, la France n’a jamais prétendu à exercer en Espagne, depuis la mort de Ferdinand VII, une prépondérance quelconque. La France est une nation qui veut être libre chez elle et qui respecte l’indépendance des autres nations comme elle entend qu’on respecte la sienne. La France de juillet veut être l’amie, l’alliée de l’Espagne, mais elle n’a jamais songé à la diriger, à la maîtriser à son gré. L’Angleterre elle-même a convié la France, à une certaine époque, à prendre une grande position en Espagne par l’intervention ; elle s’y est refusée. Quoique don Carlos fût le représentant d’un principe ennemi du gouvernement qu’elle s’est donné, elle s’est bornée à lui faire la guerre sur son propre sol, sans mettre le pied sur le sol espagnol. Enfin, quand la reine Christine a été bannie au cri sauvage de mort aux Français ! elle ne s’est pas irritée, elle n’a pas pris les armes, elle a attendu. Elle a accueilli les proscrits de toutes les opinions qui sont venus lui demander un refuge, elle en a nourri beaucoup à ses frais, mais elle n’a jamais cherché à se faire de ses sacrifices un prétexte pour intervenir dans les affaires intérieures de la Péninsule.

Pourquoi donc l’opposition de l’Angleterre ? Que combattait l’Angleterre ? Est-ce l’alliance française ? Mais cette alliance est inévitable. Est-ce l’influence française ? Mais la France n’y prétend pas. L’Angleterre enfin craint-elle d’être exclue par la France de toute communication avec l’Espagne ? Cette crainte serait insensée. L’Angleterre a Gibraltar, le Portugal, qui la mettent en contact perpétuel avec l’Espagne, et mieux encore que tout cela une puissante marine, une industrie immense, un commerce infatigable. Avec de pareils moyens, on est toujours sûr d’entrer partout. La France n’a pas fait la guerre à l’Angleterre en Espagne, c’est l’Angleterre qui a fait la guerre à la France. La France n’a jamais voulu être d’aucun parti à Madrid, elle n’a fait les affaires de personne, et personne n’a été chargé exclusivement de faire ses affaires ; c’est l’Angleterre qui a voulu à toute force avoir un parti et qui en a eu un. On a bien dit, dans certaines occasions, toutes les fois qu’on voulait faire un mouvement contre l’ordre public en Espagne, que le gouvernement était de connivence avec la France dans quelque conspiration contre les