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SITUATION DE L’ESPAGNE.

matériels, car une mauvaise constitution économique a toujours été la plus grande plaie du pays. Quand une nation s’enrichit, elle trouve toujours le moyen d’arranger ses autres affaires. C’est quand elle va s’appauvrissant qu’elle perd tout ressort. Or, parmi les attentats qui chargent la mémoire de Philippe II, le système de compression financière qu’il a établi n’a pas été un des moins mortels. Partout où ce système déplorable a été porté, il a laissé après lui la ruine et la dévastation. Voyez Naples : dans quel état l’administration espagnole avait mis ce beau royaume, qui n’a commencé à reprendre vie que quand il a échappé à la domination des successeurs de Philippe II ! Il serait curieux de suivre dans ses détails les ingénieuses inventions de cette autre inquisition pour tarir systématiquement toute richesse. Il n’y a de comparable à cet absolutisme destructeur que l’administration dévorante des Turcs.

Voilà plus d’un demi-siècle que l’illustre Jovellanos, dans son mémorable travail sur la législation agricole, a posé les bases d’une réforme économique. Les révolutions ont réalisé une partie des idées de ce grand citoyen ; il ne reste qu’à en compléter l’exécution pour les rendre fructueuses. Le traité sobre la ley agraria devrait être encore aujourd’hui le manuel de tout ministre des finances espagnol. Le plus difficile est fait ; la propriété elle-même s’est affranchie des chaînes caduques du moyen-âge, et si cette délivrance a été quelquefois achetée par des violences coupables qui auraient fait saigner le cœur du sage économiste asturien, les résultats sont maintenant consacrés par le temps, qui cicatrise bien des blessures. Il manque peu de chose pour tirer toutes les conséquences de cette transformation, et pour faire participer le gouvernement au bien qui en naît tous les jours pour la société.

Le trésor a encore une ressource dont nous n’avons pas parlé : c’est la vente des biens du clergé ; mais cette ressource, toute révolutionnaire, n’a pas l’importance qu’on lui prête. Si, dans l’origine, l’état avait procédé avec intelligence à la prise de possession des biens du clergé, les créanciers de l’Espagne auraient pu y trouver un gage qui les eût rassurés. Aujourd’hui, cette réserve est gaspillée. Ce qui a été vendu suffit à peine pour représenter les intérêts de plusieurs années qui n’ont pas été payés, et ce qui reste à vendre est grevé d’une servitude morale fort grave. Ceci nous amène à la troisième des grandes questions que nous avons indiquées, celle de l’église.

Il y a quelques années, le clergé espagnol était le plus riche du monde ; maintenant, il est le plus pauvre. On lui a pris ses biens