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le mariage de Louis XIII, encore enfant, avec l’infante Anne d’Autriche, et celui de la princesse Élisabeth avec le prince qui fut depuis Philippe IV. Cette double union, dont tant de difficultés devaient traverser l’accomplissement, fut accueillie dans le royaume sous des impressions très différentes : la partie de la nation qui faisait passer l’idée religieuse avant l’idée politique, ou plutôt celle pour laquelle la pensée politique n’existait point encore, accueillit avec joie et confiance la perspective d’un mariage qui semblait assurer mieux que tout autre l’avenir catholique de la monarchie, et qui garantissait à la royauté une force suffisante pour triompher de toutes les attaques des huguenots. Ceux-ci, de leur côté, en conçurent une alarme vive et naturelle ; enfin les princes et les grands, dont l’unique souci était d’affaiblir la monarchie, appréhendèrent plus sérieusement encore le résultat de la double combinaison destinée à confondre les forces et les intérêts des deux plus puissans états de l’Europe. Lorsqu’on apprit la soudaine conclusion des négociations matrimoniales, et qu’on vit l’ambassadeur d’Espagne associé en quelque sorte à la tutelle du jeune roi, l’émotion fut donc grande parmi les seigneurs, qui, depuis le commencement des guerres civiles sous le roi Charles IX, savaient d’expérience ce que rapporte un pouvoir faible à qui sait l’attaquer pour lui vendre la paix. Las de presser une éponge vide, selon l’expression d’un contemporain, et résolus à ne pas laisser conclure le mariage sans garanties et bonnes conditions, Condé et Bouillon quittèrent la cour ; le duc de Vendôme se sauva du Louvre, où il avait été un moment confiné, et gagna la Bretagne, dont l’imprudente tendresse de son père lui avait assuré le gouvernement ; le duc de Nevers s’empara de Mézières ; le marquis de Cœuvres, de Laon ; le duc de Mayenne, des meilleures places de l’Île-de-France ; la Picardie éclata sous le duc de Longueville, son gouverneur, et du Poitou aux côtes de Provence, les réformés firent entendre des menaces, en s’apprêtant à mettre à prix le formidable concours qu’ils étaient en mesure d’offrir à toutes les ambitions entreprenantes. Sitôt que les conjurés eurent pris position dans leurs provinces et dans leurs inaccessibles donjons, Condé lança le manifeste du parti féodal ; car tous les partis écrivaient alors assurément autant que de nos jours et les populaires convictions de la ligue, en disparaissant, avaient laissé des habitudes d’universelle publicité. Ce manifeste est curieux à lire comme expression de cette époque d’abaissement et d’immoralité politique : le vide emphatique de la rédaction reporte involontairement la pensée vers les manifestations déclamatoires de