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LA SARDAIGNE.

de lazzarone. Si l’on raconte qu’un homme, en Sardaigne, se tint pendant sept ans sur un arbre, plusieurs heures par jour, pour attendre son ennemi, on a vu aussi ces haines opiniâtres emprunter à l’antique chevalerie ses plus nobles inspirations.

Pendant le séjour de la cour en Sardaigne, quand de nombreuses bandes de brigands désolaient la Gallura, un des plus fameux bandits de l’île, Pierre Mamia, apprend que son ennemi juré, Pompita, est tombé entre les mains des troupes royales. Il rassemble ses partisans, et le délivre : « Tu es mon ennemi, lui dit-il, mais c’est de ma main que tu dois recevoir la mort. Voici des armes, de la poudre et du plomb ; je te donne trois jours pour retrouver les tiens. Au bout de ce temps, la trêve est rompue ; tiens-toi pour averti et prends garde à toi ! » En 1806, un autre chef de bande, Cicolo, veut tenir tête aux carabiniers envoyés contre lui. Il est battu et poursuivi. Dans sa fuite, il se livre à deux bergers qui le conduisent dans les montagnes et lui indiquent une retraite inaccessible et inconnue. Quelque temps après, ces deux bergers sont arrêtés, et, plutôt que de trahir leur hôte, ils reçoivent la mort sur l’échafaud. Certes, ce fanatisme a sa noblesse et n’appartient point à une race abâtardie. Du reste, les vendette sont bien moins fréquentes aujourd’hui qu’il y a vingt ans, et les troupes de bandits qu’elles alimentaient ne se rencontrent plus guère que sur la côte orientale de l’île, dans la province de l’Ogliastra et les environs de Terra-Nova. Celles-là ne dédaignent pas toujours de voler les bestiaux et de détrousser les voyageurs. Les montagnes de Dorgali, Galtelli, Posada, et le Monte-Santo leur offrent des refuges où les troupes n’osent les poursuivre.

Entre tous ces fameux bandits des âges héroïques de la Sardaigne, la chronique a conservé les noms de don Pietro et d’Ambrosio de Tempio, qui acquirent dans le siècle dernier une sorte de popularité par des traits d’une incroyable audace.

Don Pietro possédait des biens considérables, et un troupeau qui se montait à plus de dix mille têtes de bétail ; mais, ayant tué un homme de Chiaramonte et son fils pour se venger d’une injure qu’il avait reçue, il se fit bandit, et s’établit avec les plus déterminés de ses vassaux dans les gorges du mont Sassù. Plein d’intelligence, et ne manquant pas d’un certain honneur qu’il entendait à sa façon, il interdisait à ses affidés des larcins qui les eussent rendus odieux aux paysans. Il devint bientôt la terreur des troupes envoyées contre lui. Blessé à la main gauche, il s’habitua à poser le canon de son fusil sur l’avant-bras, et, de la sorte, il se rendit si habile, qu’il ne