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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1843.


L’attention de l’Europe continue à se fixer avec intérêt sur deux révolutions qui, irréprochables dans leur principe, s’efforcent d’atteindre le but de toute révolution légitime, à savoir la conciliation de la liberté avec l’ordre. En Espagne comme en Grèce, tout ce qu’il y a d’hommes sensés, honnêtes, raisonnables, sent le besoin d’un gouvernement libre, mais régulier, et repousse également les absurdités du despotisme et les folies de l’anarchie.

Les deux pays ne se trouvent pas, il est vrai, dans les mêmes circonstances. L’Espagne, depuis bientôt quarante ans, a subi toutes les catastrophes politiques qui bouleversent profondément un état et peuvent le renouveler ou l’anéantir. Il n’est pas d’essai, si douloureux qu’il puisse être, qui ne se soit fait en Espagne : les plus nobles efforts et les plus folles tentatives, tous les dévouemens et tous les crimes, y ont eu leur jour. Si l’expérience nous est bonne à quelque chose, les Espagnols n’ont certes plus rien à apprendre : leur éducation politique est achevée, et on peut sans témérité espérer que le parti de l’ordre et de la raison est enfin sur le point de prendre définitivement possession du pays.

Les Grecs ne font que de rentrer dans la vie nationale. Entre l’ancienne Grèce et le monde actuel, il y a pour eux un abîme : la chaîne des traditions politiques avait été brisée par le cimeterre ottoman. Réduits, sous le bon plaisir et les caprices d’un Turc, à une administration municipale pleine de vexations et d’intrigues, les Grecs, quelques Fanariotes exceptés, ne savaient plus ce que c’est que le gouvernement suprême et l’administration générale d’un état. Sans le christianisme ils auraient même oublié ce que c’est qu’une nation. C’est la bannière du Christ qui leur a toujours rappelé que l’étendard de Mahomet n’était pas leur étendard, et qu’au milieu du vaste camp des hordes musulmanes gisait, chargée de chaînes, mais non sans vie, la Grèce chrétienne. Leur résurrection politique n’a pas été entièrement leur œuvre : en venant à leur secours, l’Europe les a pris sous sa tutelle et les a traités, trop ou trop peu, comme des mineurs. Nous disons trop ou trop peu, car, ou il fallait ne pas leur imposer une forme de gouvernement et une dynastie, ou il fallait exiger que le gouvernement et la dynastie se missent en har-