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D’un côté, il paraît certain que la France et l’Angleterre sont parfaitement d’accord sur la question grecque. Sir Édouard Lyons et M. Piscatory tiennent à Athènes le langage et la conduite de deux amis sincères de la Grèce, de la Grèce monarchique et constitutionnelle. S’ils n’ont pu, faute de pouvoirs et d’instructions suffisantes et par les irrésolutions de la conférence de Londres qui ne trouvait de paroles énergiques que pour la question d’argent ; s’ils n’ont pu, disons-nous, faire prévenir la révolution par des concessions royales, ils peuvent du moins contribuer par leurs conseils à maintenir la révolution et la royauté dans les limites que la raison et la prudence leur imposent. C’est un grand point que l’accord à Athènes de l’Angleterre et de la France sur le terrain de la monarchie représentative et de la légalité constitutionnelle. C’est la meilleure réponse aux bruits perfides qu’on ne manque pas de répandre dans le but de diviser les Grecs et de les mettre aux prises entre eux. On cherche à insinuer que, la révolution étant l’œuvre des napistes, du parti russe, des partisans de Capo-d’Istria, les partis anglais et français ont été surpris, qu’ils seront les victimes du mouvement auquel ils applaudissent. En vérité, l’artifice est trop grossier ; il n’est pas fait pour tromper les Grecs. Ce qu’on voudrait par ces insinuations malveillantes, c’est de pousser les Grecs au désordre et à la guerre civile. Quel bon prétexte pour effacer la Grèce de la liste des nations et en faire une province vassale, à l’instar des malheureuses provinces danubiennes ! Mieux vaudrait pour les Grecs être Turcs, complètement Turcs ; l’aspect de l’avenir serait moins sombre. Que les Grecs ne l’oublient pas : il a pu y avoir des partis en Grèce ; lorsque, tout en désirant vivement la liberté, ils n’ont pu l’obtenir, les esprits se fourvoient ; tous les moyens leur paraissent bons, toutes les ressources légitimes. Une fois la liberté obtenue, il n’y a plus que deux partis, le parti de ceux qui veulent la maintenir, et le parti de ceux qui cherchent à la ruiner au profit d’un intérêt quelconque. D’où qu’ils viennent, que tous les amis d’une liberté régulière se donnent la main ; ils sont le pays. S’il est au contraire des hommes qui se séparent d’eux, quelque nom qu’ils portent, quelque drapeau qu’ils arborent, qu’ils marchent au despotisme ou au désordre, peu importe ; ces hommes sont des traîtres : il ne faut rien avoir de commun avec eux. Mais il n’est pas toujours facile en politique de distinguer ses amis de ses adversaires. Souvent des hommes tendant absolument au même but se repoussent avec un acharnement déplorable, par cela seul que leurs opinions diffèrent sur quelque moyen secondaire, et on voit ces mêmes hommes ouvrir leurs rangs, avec une confiance qui serait ridicule si elle était sans danger, à l’hypocrisie et à la trahison. Ayons la confiance que le peuple grec saura mettre à profit sa sagacité naturelle et distinguer, surtout dans les élections, ses vrais amis des imposteurs qui voudraient le voir s’égarer et des fous qui le mèneraient à sa perte.

Au surplus, il a déjà donné des preuves de la rectitude de son jugement. Maurocordato absent (il était à Constantinople) a appris, en entrant au Pirée, son élection à Missolonghi. Ceci nous amène au second fait particulier qui fortifie, disions-nous, nos espérances. Nous voulions parler du retour en Grèce, sans doute pour y prendre une large part aux affaires de leur pays, de Mau-