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REVUE. — CHRONIQUE.

rocordato et de Coletti. L’union de ces deux hommes peut-être d’une utilité inappréciable à la Grèce. Formés à la vie politique et aux pratiques constitutionnelles, Coletti à Paris, Maurocordato à Londres, connaissant à merveille l’un et l’autre les conditions de la monarchie représentative, l’état de la Grèce, les dispositions de l’Europe, ils apporteront à leurs compatriotes les conseils de l’expérience, un esprit résolu et prudent, et la mesure de toutes choses. Ils sont l’un et l’autre deux amis sincères, dévoués, de leur pays et de la liberté régulière. Ils ont fait leurs preuves ; la Grèce les connaît et les attend. La mâle énergie, le coup-d’œil ferme et juste, l’esprit élevé et simple de Coletti, pourront s’allier à merveille aux formes plus souples, à l’instruction plus variée, au caractère plus conciliant de Maurocordato. Ces deux hommes séparés, ils se paralyseraient réciproquement ; unis ils se compléteront l’un l’autre et donneront aux hommes sensés et modérés de leur pays un appui inébranlable. C’est par la forte organisation du parti modéré qu’on parviendra à calmer l’effervescence publique et à contenir les esprits désordonnés. Bonne-foi dans la royauté, modération dans le pays : là est le salut de la Grèce. Tout serait perdu sans cela, car ce n’est pas avec des baïonnettes étrangères qu’on fonde les institutions d’un pays libre. On dit que le roi de Bavière demande pour son fils les secours de la conférence de Londres. Mieux aurait valu donner à son fils de sages conseils avec l’autorité morale d’un père et en temps utile ; mieux aurait valu rappeler tous ces Bavarois dont la présence irritait les Grecs sans rien ajouter à la force du roi.

Du reste, quelles que soient les instances de la Bavière, nous sommes convaincus que la Grèce, tant qu’elle demeurera dans les limites de la liberté constitutionnelle, ne sera l’objet d’aucune mesure violente, qui ne serait propre qu’à l’humilier ou à l’irriter. Sans doute la révolution grecque déplaît aux puissances du Nord : à la Russie, parce que le gouvernement constitutionnel peut développer les forces, l’énergie du royaume grec, et offrir un modèle séduisant à toutes les provinces chrétiennes de l’empire turc ; à la Prusse et à l’Autriche, par cela seul qu’elle est une révolution. Les hommes d’état et les diplomates sont, un grand nombre d’entre eux du moins, de singuliers logiciens. Ils s’évertuent à maintenir les prémisses et regimbent contre les conséquences. Vous voulez retarder le plus possible les révolutions des états secondaires, le renversement de ces gouvernemens qui n’ont ni force morale ni force matérielle. Ordonnez donc à ces princes, qui ne sont en réalité que vos préfets, de bien administrer ces pays ; ne leur permettez qu’un despotisme éclairé, mesuré, tolérable. Vous leur mettez la bride sur le cou, vous êtes témoins impassibles de leurs erreurs et de leurs excès ; on dirait que vous les voulez montrer à vos peuples comme les Spartiates montraient à leurs enfans les Hilotes pris de vin, et ensuite vous bondissez de colère lorsqu’une émeute vient à éclater, lorsqu’une révolution s’accomplit dans l’un de ces états. C’est trop. Prétendre que les peuples supportent aujourd’hui sans murmures, sans résistance, non-seulement un gouvernement absolu, mais une administration impuissante, tracassière, incapable, est une pensée étrange, un anachronisme sans excuse. Il n’y a plus, de nos