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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/541

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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

antipathies contre la France, menaçait d’ailleurs d’échapper à notre alliance, malgré les efforts de Richelieu pour la cimenter. Buckingham, en butte à la haine de la nation et aux attaques du parlement, entrevoyait dans une expédition destinée à soutenir le protestantisme français le seul moyen de résister à l’orage qui s’amoncelait sur sa tête. Le cardinal estima qu’il y aurait imprudence à braver l’hostilité combinée de la Grande-Bretagne et de la maison d’Autriche, et il eut assez d’empire sur le roi et sur lui-même pour ajourner à la conclusion de la paix avec l’Espagne l’éclatante vengeance qu’il prépara dès ce jour avec autant de persévérance que de secret.

Le cabinet de Philippe IV crut que la France s’empresserait de traiter avec les protestans pour retrouver l’entière disposition de ses forces et les jeter sur l’Italie. Les réformés, de leur côté, pensèrent que le cardinal s’empresserait d’accommoder les affaires d’Italie, afin d’être en mesure de les attaquer plus vigoureusement. Cette double conviction rendit le comte d’Olivarès plus empressé et les insurgés plus modestes : exploitée par Richelieu avec une habileté remarquable, elle prépara le succès de deux négociations presque simultanées, et le ministre a pu se rendre la justice de dire que, « par une conduite pleine d’une industrie inaccoutumée, il porta les huguenots à consentir à la paix de peur de celle de l’Espagne, et les Espagnols à faire la paix de peur de celle des huguenots. »

Le traité de Mouçon vida pour quelque temps la grande question de la souveraineté de la Valteline, point de jonction de la puissance impériale et espagnole avec l’Italie. Par ce traité, la souveraineté du pays fut conservée aux Grisons, ces vieux alliés de la France, et les Espagnols se trouvèrent exclus de la possession des passages sur lesquels ils avaient élevé si long-temps des prétentions.

De leur côte, les réformés avaient obtenu la paix à des conditions équitables et modérées. Thoiras avait chassé Soubise de l’île de Ré, et le maréchal de Thémines, en serrant de près La Rochelle, avait porté ses habitans à désirer un accommodement avec le roi. Le gouvernement de cette ville fut remis à son corps municipal ; mais un commissaire royal dut y résider désormais pour veiller à l’observation des clauses du traité et au maintien des droits de la couronne. Il était interdit aux Rochelois d’avoir aucun vaisseau armé en guerre, et il leur était enjoint d’observer pour le commerce les formes établies dans le reste du royaume. Ils s’engagèrent à restituer les biens ecclésiastiques dont ils s’étaient indûment emparés, et à garantir