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haines et de dissensions ; jamais les réformés du Languedoc et de la Saintonge, jamais les fiers bourgeois de La Rochelle n’avaient été plus arrogans, jamais MM. de Rohan n’avaient entretenu de plus hautes espérances.

Au commencement de 1625, quelques mois après l’entrée de Richelieu au ministère, une nouvelle rébellion protestante était venue corroborer dans son esprit cette conviction, qu’il n’était pas de gouvernement possible tant que les protestans conserveraient, outre la liberté de conscience, qu’il ne leur contesta jamais, d’anarchiques prérogatives administratives et militaires. Au mépris du serment qu’il avait prêté à Saint-Jean-d’Angely, le prince de Soubise s’était saisi des Sables-d’Olonne. Poursuivi par l’armée du roi, il s’était retiré à La Rochelle, « comme les oiseaux craintifs se cachent dans le creux des rochers quand l’aigle les poursuit. Là il reçut encore grace de sa majesté, mais comme la reconnaissance des infidèles est aussi infidèle qu’eux-mêmes, ces graces descendirent si peu avant dans son cœur, que ne lui en demeurent aucun sentiment ni mémoire. Sa rébellion, aussi féconde que l’hydre, renaît de nouveau, il met le feu dans le royaume, tandis que le roi est employé à la défense de ses alliés, ainsi qu’Érostrate embrasa le temple de Diane, tandis qu’elle était attentive à promouvoir à la naissance d’Alexandre[1]. »

Avec la secrète assistance des Rochelais, Soubise arma quelques gros navires et force chaloupes. À la tête de cet armement, il entra dans le port du Blavet, où il saisit sans coup férir six vaisseaux du roi ; il s’établit dans l’île de Ré, en écumant les côtes, pour augmenter sa flotte et ses finances. Pendant ce temps, le duc de Rouan insurgeait Montauban, et l’incendie, secrètement attisé par l’Espagne, semblait prêt à gagner tout le midi.

Il fallut à Richelieu une grande puissance sur lui-même pour ne pas conseiller au roi l’emploi immédiat de la force, et pour différer, en présence d’un attentat aussi odieux, l’expédition décisive qu’il roulait depuis long-temps dans sa tête. C’est ici où l’esprit politique du ministre se révèle dans toute son étendue. La guerre se faisait alors en Italie avec des succès si incertains, et l’issue en paraissait encore si douteuse, qu’il comprit l’urgente nécessité d’attendre et de transiger. L’Angleterre, où le mariage de Charles Ier avec Henriette-Marie venait d’exalter le sentiment puritain en soulevant de vives

  1. Mémoires de Richelieu, liv. XVI.