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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

de l’infortuné maréchal. Sans deviner encore jusqu’où iraient la vengeance du ministre et la complaisance des juges institués par lui, la reine avait fait de vains efforts pour sauver cette noble victime ; désormais l’oreille de son fils lui était fermée comme son cœur.

Retirée à Compiègne, Marie apprit un matin qu’elle y était prisonnière et qu’il ne lui restait plus que la vaine consolation de remplir le royaume de l’éclat de ses plaintes et de ses reproches. Revenant alors aux tristes souvenirs de sa première captivité et de sa nocturne évasion, elle crut possible d’organiser une prise d’armes, et s’entendit avec le gouverneur d’une place frontière pour qu’on lui en ouvrît les portes ; mais le secret de cette négociation avait été découvert par Richelieu, et celui-ci prit ses mesures pour s’assurer de la fidélité de la garnison, en même temps qu’il entretint avec le plus grand soin les illusions et les espérances de la princesse. Marie ne rencontra pas plus d’obstacles pour s’enfuir de Compiègne que pour traverser le royaume, et, pleine d’une confiance perfidement entretenue, elle vint frapper de nuit aux portes de La Capelle, qui ne s’ouvrirent point devant la mère du roi. Une seule ressource lui restait alors ; se voyant à quelques pas de la frontière et poursuivie par des détachemens dont la mission véritable était de la contraindre à la passer, elle la franchit la vengeance dans le cœur, sans se douter qu’elle ne la repasserait jamais, et qu’un abîme infranchissable allait la séparer de la France. C’était le point où Richelieu travaillait depuis long-temps à l’amener ; c’était le gage de sa victoire et la condition de sa pleine sécurité. Enlacée dans le piége si adroitement préparé, Marie de Médicis alla recevoir à Bruxelles l’hospitalité réservée par la cour d’Espagne à tous les ennemis de la France et de son roi.

Une destinée analogue attendait le duc d’Orléans, moins propre encore que sa mère à lutter d’habileté avec un ministre consommé dans l’intrigue. Une première fois déjà Monsieur avait passé la frontière, et était allé attendre en Lorraine le résultat d’un ultimatum qui portait sur le chiffre de ses pensions et l’étendue de ses apanages. Le traitement fait à sa mère lui fournit, en 1631, un prétexte plus plausible. Après avoir vainement essayé d’organiser une résistance armée à l’intérieur, et de tenir dans les murs de sa ville d’Orléans, il s’était retiré à Besançon, suivi de Puylaurens, son conseiller intime, des ducs d’Elbeuf, de Roannes et de Bellegarde, et inspiré par le président Le Coigneux, organe de l’opposition parlementaire près de ce prince. Après avoir épousé à l’étranger, sans le consentement du