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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/593

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LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

taires philosophiques qui viennent recueillir la poussière de nos bibliothèques dûment reliés entre deux planchettes. Sur cette côte tout entière habitée par des peuples d’origine diverse, mais essentiellement industrieux, se sont développées mille petites branches de commerce, qui varient selon les localités ; les moyens de transport changent aussi à chaque pas, parce qu’ici une barre toujours menaçante exige un bateau large et solide ; là, des canaux intérieurs (back-water) étroits et assez profonds, permettent à des gondoles couvertes, à des barques allongées (snake-boats) de transporter les marchandises, à travers cent détours, d’un village à l’autre. Dans ce pays si vaste, compris sous une dénomination générale et soumis jadis à une seule croyance, il y a tant de peuples distincts qui ont conservé leurs langues particulières et leurs industries propres ! Quant à Ceylan, c’est un pays à part, et on le devine aisément, rien qu’à voir les longues pirogues à balancier, si étranges et si pittoresques, qui viennent au large, à de grandes distances, vendre aux passans des chaînes en fausse bijouterie, des tabatières, des couteaux, ces petits objets inutiles avec lesquels les peuples à demi sauvages nous tentent et nous attrapent mieux qu’ils ne se laissent prendre désormais à nos piéges ; et puis, on aime à remporter un souvenir de cette île, le plus précieux joyau de la couronne d’Angleterre, riche par l’ivoire que donnent les éléphans de ses montagnes, par les épices de ses plaines et de ses collines, par les perles de ses plages.

Si, à des époques très reculées, des navigateurs de l’Oman et de l’Yémen, poussés d’instinct à suivre les vents réguliers qui, par leur changement périodique, promettaient un retour facile, s’aventurèrent jusqu’à Ceylan, au moins est-il permis de conjecturer qu’ils ne dépassèrent guère cette île ; car elle fut, sous les dénominations de Sarandipe, de Lanka, de Ling-chan, que lui appliquèrent les Arabes, les Hindous et les Chinois, une terre enchantée, le théâtre des guerres livrées aux mauvais esprits par une incarnation de Vichnou, et le séjour passager de Bouddha ; rien d’étonnant que, dans notre siècle, l’extrême richesse de son sol l’ait fait regarder par quelques personnes comme le véritable paradis terrestre de l’ancien Testament. Toujours est-il qu’elle a son danger, ses récifs à la pointe, son non ampliùs ibis, que Dieu dit aux hommes comme à la vague jusqu’au jour où il lui plaît d’ouvrir de nouvelles routes ; et que nous resterait-il à faire, si la Providence eût levé plus tôt ce voile d’ignorance qu’elle découvre peu à peu selon les besoins des temps, et que nous croyons déchirer par le seul effort du génie humain ? La côte