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sédât la marine française à cette époque. Le 14 février les troupes débarquèrent sans éprouver de résistance sur la plage de Quartù, et s’y retranchèrent en attendant qu’on eût complété les préparatifs du siége. Seize pièces d’artillerie étaient rangées devant le camp : les frégates, embossées à portée de mitraille, menaçaient la côte. La position paraissait donc formidable ; mais la saison dans laquelle on se trouvait, exigeait qu’on précipitât l’entreprise. Il eût été imprudent de laisser une partie de l’escadre exposée aux chances d’un coup de vent dans la baie ouverte où elle s’était aventurée.

Dès les premières lueurs du jour choisi pour l’attaque générale, le feu commença de toutes parts. L’armée débarquée se mit en marche à huit heures du matin, au bruit d’une imposante canonnade. Elle suivit la plage escortée des chaloupes de l’escadre, qui se tenaient prêtes à la soutenir, et s’arrêta au pied du mont Saint-Élie. Les abords de ce morne sont très difficiles : c’est une table calcaire aux flancs abruptes dont le sommet n’est accessible que par une pente rapide et ravinée. On pensait dans l’escadre que l’assaut serait donné à cette position avant la fin du jour ; malheureusement il fut différé par les officiers de terre, sans que l’amiral pût obtenir l’explication de ce retard. À la nuit, une vive fusillade s’engagea. Après quelques heures de la plus vive anxiété, l’escadre apprit que les assaillans étaient en déroute, et que, poursuivis jusqu’au rivage, ils demandaient à grands cris à se rembarquer. Le ciel était devenu menaçant, le vent du sud-est commençait à gronder. Cependant l’amiral, ne pouvant abandonner l’armée confiée à sa protection, se voyait forcé d’attendre sur une rade sans abri, où le fond est d’une mauvaise tenue, un vent qui dans cette saison est toujours d’une violence effrayante. Déjà la mer était trop forte pour qu’il fût possible d’opérer le rembarquement des troupes : tout ce que pouvait faire l’amiral, c’était de diriger sur le camp des vivres et des munitions ; mais nos soldats démoralisés voulaient fuir et non plus combattre, ils menaçaient de tirer sur les chaloupes qui leur apportaient de nouveaux moyens de défense, et ne demandaient qu’à se rembarquer. On sait quelle était l’indiscipline de ces premières troupes républicaines. Rassemblés à la hâte, sans cesse émus par les bruits de trahison qui circulaient dans leurs rangs, ces bataillons pleins d’ardeur étaient souvent paralysés par une vague défiance, et ils se débandaient tout à coup sous l’impression des plus étranges terreurs.

Les vents et la mer ne cessant d’augmenter, l’escadre se trouva elle-même dans le plus grand péril. Les frégates mouillées très près