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LA SARDAIGNE.

espérances que la victoire de Marengo ne tarda pas à renverser. Accablé par ce revers, frappé plus douloureusement encore par la mort de sa femme, sœur de Louis XVIII, il se décida à abdiquer en faveur de son frère, le duc d’Aoste, qui se fit reconnaître sous le nom de Victor-Emmanuel. Soit dédain, soit insouciance, ce nouveau monarque partagea entre ses deux frères l’administration de la Sardaigne. Pour lui, il ne voulut rentrer dans l’île qu’en 1806, après que l’Italie tout entière eut été conquise par nos armes. Pendant son absence, des rigueurs peut-être nécessaires avaient forcé un grand sombre de Sardes à s’expatrier. Réfugiés pour la plupart en Corse ou dans les départemens du midi de la France, ils pressaient le gouvernement impérial d’opérer un débarquement dans le nord de la Sardaigne pour enlever Sassari et Alghero, et marcher de là sur Cagliari, en ralliant sur la route tous les mécontens, dont ils promettaient le concours. La religion, les coutumes, devaient être respectées ; le système féodal devait seul être aboli, après que l’île, occupée par une garnison française, aurait été divisée en quatre départemens. L’arrivée du roi en Sardaigne fit évanouir tous ces plans d’invasion, car le peuple sarde, incorrigible dans ses espérances et son enthousiasme, trouva, pour accueillir ce prince, de nouveaux transports de joie et d’allégresse. Bientôt cependant il put s’apercevoir que le roi n’était pas venu seul, que les Piémontais recommençaient à accaparer les fonctions publiques, et qu’enfin c’était un fardeau bien lourd pour les finances d’une île pauvre et sans commerce qu’une cour peu économe malgré sa détresse. Le roi, qui avait le goût des armes, prétendait entretenir une armée régulière. Dès son arrivée, il ordonna la formation, de six régimens de cavalerie et de quinze régimens provinciaux d’infanterie. Les dépenses faites à cette occasion nécessitèrent une augmentation d’impôts. En accordant au Prince le mérite des bonnes intentions, on reconnut qu’il manquait d’énergie et de vigilance ; on le rendit responsable des embarras financiers qui neutralisaient tous les plans de réforme.

En 1814, les vicissitudes de la guerre permirent enfin à Victor-Emmanuel de rentrer dans le Piémont. La plupart des Piémontais, en se retirant à sa suite, laissèrent un grand nombre d’emplois à la disposition des officiers nationaux. Le duc de Genevois, frère du roi, appelé à la vice-royauté de la Sardaigne, apporta un zèle affectueux dans l’exercice de la puissance souveraine. Lorsqu’en 1821 l’abdication de Victor-Emmanuel l’eut conduit lui-même au trône, sous le nom de Charles-Félix, le peuple sarde éprouva plus directement encore les effets de sa sollicitude. La plus importante des amé-