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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/633

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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

rivé dans le bois d’oliviers, le cocher, selon l’usage invariable des cochers athéniens, s’arrêta pour faire boire ses chevaux devant une baraque convertie en cabaret. Une collection complète de ces images grossièrement coloriées dont il se fait en France un grand commerce dans les foires de village, et qui représentent Napoléon à Austerlitz ou Murat à Aboukir, décorait à l’extérieur les murs en bois de cette chétive hôtellerie. Dès que l’on a dépassé les derniers oliviers, le spectacle change. Au milieu d’une plaine aride, éclairée par un soleil brûlant, bornée de tous côtés par les montagnes, on voit, à travers un nuage de poussière, une petite ville blanche, resserrée au pied d’un mamelon qui la domine. Le sommet de ce mamelon, qui se dresse isolé comme un immense piédestal, est couronné d’une sombre muraille au-dessus de laquelle on aperçoit le fronton jauni d’un temple. Ce temple, c’est le Parthénon ; cette petite ville[1], c’est Athènes. Il n’est peut-être pas au monde de paysage plus mélancolique. Même en oubliant le passé, on soupire involontairement à la vue de cette grande plaine silencieuse, de ces montagnes désolées, de cette bourgade neuve qui s’élève impudemment au milieu des ruines qui s’écroulent. On se demande avec surprise si là vraiment pouvait être la ville de Périclès. Quand le guide a prononcé le nom d’Athènes, on doute encore ; puis les champs déserts qui vous entourent vous rappellent la campagne si triste de Rome. Alors on comprend que les siècles se sont écoulés, et que la main de Dieu s’est appesantie sur ces deux villes.

Les premières maisons s’élèvent çà et là en désordre et n’ont aucun style. Les murs sont à peu près blancs, les toits à peu près rouges. Une rue droite, assez large, non pavée, bordée de pauvres boutiques aux enseignes la plupart écrites en français, traverse la ville dans sa plus grande longueur. Cinq ou six autres rues plus étroites, moins longues, désertes, également pleines de poussière, coupent la première à angle droit. Voilà tout Athènes ! Les passans portent presque tous l’habit européen ; de loin en loin seulement on aperçoit un élégant pallicare à la taille de guêpe, à la démarche prétentieuse, vêtu de la fustanelle albanaise, de la veste brodée d’or ou d’argent, et coiffé d’un grand chapeau de paille. La ville, sans animation, sans mouvement, a une physionomie mesquine et bourgeoise où l’on cherche en vain le caractère étranger, la couleur orientale. On dirait un faubourg de Marseille jeté dans une des

  1. Elle a vingt-cinq mille habitans.