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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/634

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REVUE DES DEUX MONDES.

plaines poudreuses de la Provence. Un seul palmier long et maigre s’élève au milieu de la grande rue, se détache sur le ciel transparent, et vous rappelle la latitude de l’Attique. Quand on arrive dans un hôtel français, après avoir traversé la capitale de la Grèce, on a subi, disons-le franchement, le plus cruel désenchantement que voyageur puisse endurer.

On se tromperait si l’on pensait que les monumens merveilleux de l’antiquité embellissent la ville actuelle. Les ruines du passé sont tout-à-fait en dehors de la moderne Athènes. Les murailles noires de l’Acropole cachent à tous les yeux les trésors qu’elles renferment, il faut faire un petit voyage pour voir l’œuvre de Phidias. Le temple de Thésée se trouve près de la route du Pirée, en-deçà des premières maisons ; celui de Jupiter Olympien est du côté opposé, au-delà de l’enceinte de la ville. Dans les rues, on n’aperçoit ni inscriptions, ni fragmens de sculpture : le badigeon règne sur tous les murs. Je n’ai pas la prétention de donner ici une description nouvelle des ruines d’Athènes, tout le monde les connaît ; mais il faut dire qu’à la vue de ces chefs-d’œuvre de l’art, le premier sentiment que l’on éprouve n’est pas de l’admiration, c’est de la surprise ; on reste un instant stupéfait, surtout si l’on vient d’Italie, des petites proportions de ces monumens : le temple de Thésée (que l’archéologie me le pardonne) ne paraît guère plus grand que l’arc-de-triomphe du Carrousel, et le Parthénon est plus petit que la Madeleine. On cherche en vain cette nuance dorée des ruines de l’Attique, tant vantée par les voyageurs. Le ciel n’a pas doré les temples d’Athènes, il les a brunis. Le côté des colonnes qui subit depuis tant de siècles les ardeurs du soleil, s’est revêtu d’une teinte bistrée, dure, qui rappelle les couleurs de la rouille ; le côté opposé a conservé sa blancheur primitive. Le contraste trop rude de ces deux nuances arrête d’abord désagréablement le regard, et nuit à la mollesse du contour. Plusieurs particularités, minimes en apparence, vous contrarient pendant votre visite aux ruines. On ne pénètre pas sans permission dans l’Acropole. Si à Schaffhouse, pour voir la chute du Rhin, il faut tirer une sonnette, à Athènes on doit parler au concierge pour visiter le Parthénon. Cette mesure était, du reste, indispensable, les compatriotes de lord Elgin ne se faisant scrupule, en aucun pays, de casser à coups de canne les têtes des figurines ou les doigts des statues, sous prétexte de rapporter des souvenirs de leurs lointains voyages. Le sol de l’Acropole est jonché de fragmens de marbre, embarrassé de moellons rangés avec symétrie. Des baraques d’ouvriers se dressent