Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/636

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
630
REVUE DES DEUX MONDES.

Au temps où nous sommes, les villes comme Athènes ne renaissent pas avec leur forme, et leur nom les écrase. Les ressources du jeune royaume étaient trop faibles pour qu’il pût fonder une ville digne des ruines, des souvenirs et du nom d’Athènes. Aussi qu’est-il arrivé ? À suivre ce projet on n’a rien gagné, et on a beaucoup perdu. Les monumens du passé rendent ridicules les constructions modernes, et les maisons nouvelles nuisent à l’effet des ruines. Cela était facile à prévoir. Un motif plus grave encore aurait dû faire abandonner cette malheureuse idée. Depuis Périclès, le sol de l’Attique ne s’est pas enrichi, et les Athéniens ont perdu leur génie. Les Grecs ne sont plus, comme autrefois, d’admirables ouvriers, l’art est mort en Grèce, mais ils sont d’excellens matelots, et le commerce tend à renaître dans leur pays. La capitale aurait dû être le centre des affaires, et elle en est complètement à l’écart. Il n’y a et il ne peut y avoir à Athènes aucun commerce. La distance de plus de deux lieues qui sépare le port de la ville empêche les navires de prendre la route du Pirée, et Syra attire de son côté tout le commerce de l’archipel. Ce rocher stérile acquiert chaque année plus d’importance. Le port de Syra est maintenant le point d’intersection des lignes des paquebots français ou autrichiens qui sillonnent dans tous les sens les mers du Levant ; sa population a triplé depuis huit ans, et elle augmente chaque jour dans une proportion notable. Si la nouvelle capitale avait été fondée au Pirée ou sur l’isthme de Corinthe, elle serait devenue sans nul doute le centre de l’affluence qui se porte à Syra et à Patras. Les Grecs demandaient avec instance qu’on choisit un de ces deux emplacemens : à ce peuple de marins il fallait pour capitale un port de mer, et, si on eût écouté le vœu national, peut-être cette jeune cité serait-elle maintenant, après Constantinople, la ville la plus importante de l’Orient. Tout au contraire Athènes, isolée dans les terres et abandonnée de la population laborieuse, végète à grand’peine. Tout y manque, et tout y est hors de prix. Pour les étrangers, les mauvaises auberges de la capitale du roi Othon sont plus chères que les bons hôtels de Londres. Le climat est encore un des ennemis de la nouvelle ville. Située au fond d’une vallée et entourée de tous côtés par les montagnes, Athènes se trouve malheureusement à l’abri des vents de nord-est qui assainissent la Grèce, et des brises de mer qui apportent un peu de fraîcheur à cette terre brûlante. Aussi, pendant trois mois de l’année, la capitale, inhabitable et peu salubre, devient-elle une véritable étuve. Dans la saison des chaleurs, les diplomates étrangers et