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maître d’études manquait au collége d’Athènes ; il fallut neuf mois pour lui trouver un successeur. Ne voulant juger qu’avec une implacable équité, le souverain ajournait toute affaire, si minime qu’elle fût, lorsqu’elle ne lui paraissait pas suffisamment instruite ; les moindres projets de chaque administration, devant passer avant de recevoir une solution par la camarilla (chancellerie royale) et par le cabinet du roi, étaient indéfiniment ajournés. Les actes du gouvernement ne se produisirent qu’avec une lenteur excessive. Le jeune prince, passant sa vie à vérifier avec une exactitude scrupuleuse une infinité de détails insignifians, s’égarait dans un labyrinthe inextricable. Mithridate y aurait perdu la tête. Le roi Othon persista dans son œuvre avec une ténacité qui mit à jour le trait le plus saillant de son caractère ; mais, en se préoccupant des petites choses, il oubliait les affaires importantes ! l’organisation administrative était défectueuse en plus d’un point. Les institutions nouvelles étaient gênées par les anciennes ; les rouages de ce gouvernement à la fois grec et bavarois s’entravaient les uns les autres, les divers élémens qui le composaient se neutralisaient. Cependant, malgré les vices et les imperfections du système administratif, l’ordre s’était rétabli peu à peu en Grèce, par cela seul qu’on avait un gouvernement. Les cultivateurs, ainsi que les commerçans, reprenaient courage ; le pays était en voie de progrès, et une amélioration, lente il est vrai, mais croissante, se faisait sentir dans les affaires. Pour se rendre compte de cette progression, il suffit de jeter un coup d’œil sur la situation agricole et commerciale du pays.

En Grèce, les bras manquent à l’agriculture. Sur une superficie de 4,800,000 hect., 850,000 hectares sont exploités, et par 100,000 cultivateurs seulement. Chaque laboureur cultive donc plus de 8 hectares, et l’on ne compte en Grèce qu’un attelage de bœufs pour quatre laboureurs. Cet énorme inconvénient diminue tous les ans. En 1839 seulement, on a importé dans le royaume pour un million de francs de bêtes à cornes[1]. La moitié du blé nécessaire à la consommation est importée de la Russie méridionale, et l’on ne peut guère espérer que, sous ce rapport, la Grèce se suffise jamais à elle-

  1. Pour compléter les documens que nous avons pu prendre nous-même dans le pays, nous n’avons pas craint de faire des emprunts à un ouvrage intitulé Greece as a kingdom, by M. Strong ; nous devons aussi quelques renseignemens à un excellent travail publié tout récemment sous ce titre : la Grèce depuis dix ans, par M. Jules Fleutelot.