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DES FEMMES MORALISTES.

Ce sont les doctrines saint-simoniennes d’abord et plus tard celles de Fourier qui furent l’arsenal où les imaginations féminines en révolte trouvèrent des armes contre cette société dont le despotisme, si dur et si vigilant, ne songeait même pas à réprimer leurs folies. Ce fut vraiment un triste spectacle. Que de femmes, oubliant leur caractère et dédaignant ce foyer domestique où les appelaient tant de devoirs, si doux quand on sait les remplir, firent irruption sur la place publique, déclamant, au nom de la morale, contre la morale, attaquant sans pudeur les choses les plus saintes, et enivrées d’un esprit de destruction si forcené, qu’il avait pris dans leur cœur la place de tous les autres sentimens ! Ce n’étaient plus des épouses, des filles, des mères. De la femme, elles n’avaient conservé que l’habit, et avaient tout perdu, jusqu’à l’élégance des manières, qui avait suivi la grace de l’esprit et du langage. On voudrait être indulgent qu’il serait impossible de l’être, car rien dans leurs défauts n’avait ce côté séduisant qui quelquefois les atténue. Ce n’étaient pas même leurs défauts, c’étaient ceux d’un autre sexe dont elles s’étaient emparées en les exagérant. Nous ouvrons au hasard un des livres publiés dans cette période de vertige, et nous tombons sur la phrase suivante : « Pour atteindre l’égalité et la vertu, il y avait deux idoles à renverser, la naissance et la chasteté ! Non que la naissance et la chasteté ne soient belles en elles-mêmes ; mais ces mérites prennent leur rang, cessent d’être la loi suprême, et ne sont plus indispensables, l’un à l’homme, l’autre à la femme. Toute femme supérieure a des passions plus ou moins fortes, et, à moins de circonstances admirablement heureuses, manque toujours à cette vertu départie plutôt à la faiblesse et à la timidité. » C’est une des plumes les plus élégantes et les plus modérées de la secte qui a écrit ces paroles ; qu’on juge du reste. Ces femmes s’étaient érigées en tribuns, elles prêchaient la révolte contre toutes les lois établies, prodiguaient l’insulte à pleines mains, et écrivaient comme si elles eussent parlé sur la borne de la rue. Elles s’étaient faites les prêtresses insensées d’un culte anarchique, et elles ont été, qu’on me permette l’expression, les tricoteuses de la révolution de 1830.

Le mariage est la pierre d’achoppement dans ce siècle. Il fut principalement le but des attaques violentes de ces étranges moralistes. De tous leurs livres sur ce sujet, il ressort clairement une chose : c’est que, dans la vie de la femme, elles ne voyaient que l’amour. Toutefois, dans leurs divagations, elles ont oublié un point, c’était de décréter l’éternité de la jeunesse. Le but de leur mission, c’étaient