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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

libre et de l’amour désintéressé qui est en nous, et lui restituer ces grands attributs intellectuels et moraux qui font de Dieu, non pas seulement l’auteur de l’univers, mais le père de l’humanité.

Ainsi, pour avoir mutilé la théodicée déjà bien étroite d’Aristote, Vanini est arrivé à un Dieu très imparfait, dont on a épuisé l’essence quand on a dit qu’il est l’être des êtres. Je ne m’étonne donc pas que, passant du premier exercice au second, de l’existence de Dieu à sa nature, Vanini s’exprime ainsi : « Vous me demandez ce que Dieu est ; si je le savais, je serais Dieu, car nul ne connaît Dieu, et nul ne sait ce qu’il est, sinon Dieu lui-même. ». Et il n’ajoute pas grand’chose à cet aveu de son impuissance, il ne sort pas du cercle dans lequel il s’est enfermé lui-même, lorsqu’il termine ainsi ce chapitre :

« J’oserai donc (entreprise peut-être téméraire) décrire ainsi Dieu : Ce qui est à soi-même son principe et sa fin, sans avoir ni principe ni fin, n’ayant besoin ni de l’un ni de l’autre, la source et l’auteur de l’un et de l’autre. Il est, sans être dans le temps : pour lui, point de passé qui s’enfuie, point d’avenir qui s’avance. Il règne partout sans être nulle part, immobile sans être en place, rapide sans être en mouvement. Il est tout entier hors de toutes choses et dans toutes choses ; dans tout, sans y être renfermé ; hors de tout, sans en être exclus. Il est au sein de cet univers qu’il gouverne, et il l’a créé hors de lui. Il est bon sans avoir de qualité, grand sans quantité, un tout sans parties, immuable et changeant tout le reste ; vouloir pour lui, c’est pouvoir, et sa volonté est action. Il est simple ; en lui rien n’est en puissance, tout est en acte, ou plutôt il est lui-même l’acte pur, premier, moyen et dernier. Enfin il est tout, au-dessus de tout, hors de tout, en tout, indépendamment de tout, avant tout, après tout, et tout entier[1]. »

Toutes ces qualifications ne sont que des variantes de l’infini. Il en est pourtant quelques-unes qui excèdent le principe auquel elles se rapportent. Quand Vanini dit de son dieu : « Pour lui, vouloir c’est pouvoir, » nous lui demanderons de quel droit il attribue à l’être infini une volonté, et une volonté efficace. Déjà, en lui ôtant la force motrice, il lui a ôté la vraie puissance. Comment donc peut-il après coup mettre en lui la volonté, c’est-à-dire le fond même et le principe de ce qu’il lui a ôté ? De loin en loin, on rencontre dans l’Amphithéâtre de belles maximes, mais toujours entachées de ce vice, d’être exclusives et bornées ou inconséquentes.

Dans l’exercice troisième, Vanini rejette toutes les définitions de

  1. Amphith., ex. II, p. 10.