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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/706

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REVUE DES DEUX MONDES.

sans hésiter : oui, dans les Dialogues, Vanini est un ennemi mal dissimulé du christianisme. Il n’a guère d’autre Dieu que la nature, sa morale est celle d’Épicure, et, à l’en croire lui-même, sa doctrine a un peu passé dans ses mœurs. Il n’y a qu’à ouvrir au hasard les Dialogues, pour recueillir à pleines mains des preuves abondantes de ces assertions.

Sans doute Vanini enveloppe encore de quelques précautions ses attaques contre le christianisme ; mais les voiles sont de plus en plus tranparens. Ici, comme dans l’Amphithéâtre, il introduit des impies, tantôt belges, tantôt anglais, développant leurs maximes ; mais, dans l’Amphithéâtre, il y fait souvent de solides réponses, tandis que, dans les Dialogues, il répond avec une faiblesse qui n’a pu lui échapper à lui-même. C’est Descartes qui le premier a élevé ce reproche[1] ; il est fondé, mais il s’applique aux Dialogues seuls et non pas à l’Amphithéâtre. Ces deux ouvrages sont entièrement différens et forment le contraste le plus singulier. Vanini nous apprend[2] lequel des deux contient sa vraie pensée : « J’ai écrit beaucoup de choses dans l’Amphithéâtre auxquelles je n’ajoute pas la moindre foi ; multa in hoc libro scripta sunt, quibus à me nulla prœstatur fides. Cosi và il mondo. » Et son interlocuteur Alexandre s’empresse de répondre sur le même ton : « Ce monde est une prison de fous, questo mondo è una gabbia de matti, » se hâtant d’ajouter : « À l’exception des princes et des papes. » Cette déclaration tardive obscurcit à nos yeux tout l’Amphithéâtre, et ne nous permet plus de discerner quand Vanini dit vrai et quand il ment ; nous savons seulement et de lui-même qu’il ment beaucoup. Il a beau répéter qu’il se soumet à la sainte église romaine, il a beau en appeler à son Apologie pour la Religion mosaïque et chrétienne ; quel respect pour le christianisme peut s’accommoder de toutes les plaisanteries et même de toutes les injures qu’il répand sur les objets les plus vénérés du culte chrétien ? Lui-même, c’est-à-dire l’interlocuteur qui le représente, Jules-César, explique par l’action de la lune la résurrection de Lazare. Après avoir essayé de prouver qu’il n’y a point de démons, comme Alexandre lui fait cette objection : « S’il n’y a point de démons, comment les mages de Pharaon ont-ils pu faire tant de miracles ? » il répond : « Les philosophes qui nient les démons méprisent les histoires des Juifs. » Ailleurs : « Je ne veux pas nier la puissance de l’eau lustrale, puisque le pape l’a décorée d’innombrables priviléges… ; mais, pour parler en

  1. Lettre à Voël, t. XI de notre édition, p. 185.
  2. Dial. 56, p. 185