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tout de l’influence des astres. En quoi certains alimens nuisent-ils à l’honnêteté ? « Voici comment je raisonne : c’est de l’alimentation que dépendent les esprits animaux, par conséquent c’est d’elle que viennent la vertu et le vice. On le prouve ainsi : les esprits animaux sont les instrumens de l’ame sensible ; l’ame sensible est l’instrument de l’ame intelligente, et tout agent opère conformément à la nature de son instrument : donc, etc.[1]. » Et ailleurs : « Nos vertus et nos vices dépendent des humeurs et des germes qui entrent dans la composition de notre être. » Enfin, l’influence des astres est partout dans les Dialogues.

Du moins, on ne peut pas reprocher à notre philosophe d’être inconséquent à ses principes. Avec une pareille philosophie, en vérité, qu’avons-nous à chercher en cette vie, sinon les plaisirs des sens ? Et en effet, telle est l’unique fin, l’unique règle, l’unique ressort que Vanini donne à toutes nos actions. Pas un mot sur la liberté, pas un mot sur la vertu désintéressée, pas un mot sur le bonheur d’une conscience honnête. En revanche, que de détails sur tous les plaisirs des sens, et en particulier sur ceux de l’amour ! Bien entendu qu’il ne s’agit point de ce noble sentiment qui unit deux ames l’une à l’autre, en mêlant quelquefois à ce lien sublime un lien moins pur ; il s’agit seulement de l’amour sensuel, de la Vénus la plus vulgaire. C’est ici, il est vrai, un ouvrage de physique et de physiologie, dont un livre entier, le troisième, est consacré à l’explication des mystères de la génération ; mais le langage de la science, en traitant de pareilles matières, peut être chaste encore, et celui de Vanini ne l’est point. Nous ne repoussons aucune des explications scientifiques de Vanini, quoiqu’elles nous semblent un peu extraordinaires dans une bouche ecclésiastique ; ce que nous condamnons, ce sont les réflexions gratuitement indécentes qui y sont mêlées, c’est surtout l’épicuréisme effronté qui prodigue les maximes relâchées, les anecdotes licencieuses et les peintures déshonnêtes. Le lecteur voudra bien nous dispenser de fournir les preuves de ce que nous avançons ; nous le renvoyons à l’ouvrage même. L’interlocuteur de Vanini, Alexandre, transporté de tout ce qu’il entend, s’écrie[2] qu’au lieu d’imiter Aristote, qui dépensa à l’étude des animaux l’argent que lui envoyait son illustre élève, il avait, lui, dépensé toute sa fortune pour acquérir et entretenir un charmant petit animal. « Tu as

  1. Dial., p. 147.
  2. Page 186.