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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/713

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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

fort bien fait, » lui répond Vanini. Et les deux amis résument le but de la vie dans ces vers de l’Aminte :

Est perdu tout le temps
Qui n’est pas employé à aimer[1].

Voilà le fond de la théorie : les détails surpassent la plus grande liberté philosophique. Parmi les passages impudiques qui surabondent dans les Dialogues, il en est un que l’on peut citer à la rigueur : c’est celui où, à l’occasion de ce prétendu principe, que les enfans légitimes sont moins beaux que les enfans naturels, il en vient à regretter de n’être pas un enfant de l’amour, car alors il aurait reçu de la nature plus de beauté, de force et d’esprit. Il faut voir dans quel style tout cela est exprimé[2]. Vanini a beau dire qu’il a fait ce souhait en songe : voilà, certes, un songe fort malhonnête. À notre grand regret, et pour remplir jusqu’au bout notre tâche d’historien fidèle, il nous faut ajouter que nous avons trouvé deux endroits d’un autre genre et plus fâcheux peut-être, qui prouvent qu’au moins l’imagination de Vanini participait à la dépravation des mœurs italiennes du XVIe siècle. Que le lecteur lise, s’il lui plaît, le discours qu’adresse à Vanini son domestique et son écolier, le jeune et beau Tarsius[3], et l’approbation que le maître donne à un étrange précepte de Galien[4]. Hâtons-nous de dire cependant que sur ce point il n’y a dans les Dialogues que des maximes générales et non des aveux personnels. Soyons juste envers Vanini ; il ne parle que de ses maîtresses ; il se complaît à nous les faire connaître ; l’une, il le dit lui-même[5], s’appelait Laure, l’autre

  1. Dial. p. 495

    Perduto è tutto il tempo.
    Che in amar non si spende
    .

  2. Dial., p. 321-322. « J. C. : O utinam (hoc erat somnium) extra legitimum ac connubialem torum essem procreatus : ita enim progenitores mei in venerem incaluissent ardentius, ac cumulatim affatimque generosa semina contulissent e quibus ego forma blanditiem et elegantiam, robustas corporis vires, mentemque innubilam consecutus fuissem ; at quia conjugatorum sum soboles, his orbatus sum bonis : sane pater meus, etc. »
  3. Dial., p. 351. « Tarsius : Ab universo meo corpore, quod humidum et sanguineum pulchra natura efformavit, calidi emanant vapores qui non modo ova, sed frigescentis hiberno tempore philosophi membra excalefacere possent. »
  4. Ibid. p. 182-183. « J. C. : Galeni consilio acquiescendum. — Al. : Quale illud est ? — J. C. : inter ea autem (ait) quæ foris applicantur boni habitus puellus est una sic accubans, ut semper abdomen contingat… »
  5. Ibid. p. 159-160. « J. C. : … Nam et Laura olim amasia mea. »