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tiquité comme celle du moyen-âge, et déclare hautement ne relever que de la raison : il part de la seule pensée. Voilà par où Descartes est le représentant décidé de l’esprit nouveau. Mais, en partant de la seule pensée, il en tire les plus nobles croyances, que jusque-là la raison semblait ébranler, et que désormais la raison autorise et affermit. Au lieu d’essais informes et qui se combattent, il fonde une méthode qui, à peine proclamée, est adoptée d’un bout de l’Europe à l’autre, et, à l’aide de cette méthode, il élève une doctrine où toutes les grandes vérités naturelles qui composent l’éternelle foi du genre humain sont solidement et clairement établies. Enfin, celui qui fait toutes ces choses les illustre et les consacre par les plus belles découvertes en physique et en mathématiques, et par un langage qui lui-même est une création immortelle. Par là Descartes n’est plus seulement un révolutionnaire, c’est un législateur. Il donne la main à deux siècles qu’il réconcilie en satisfaisant également leurs instincts en apparence opposés. Sans retourner à la scolastique, sans errer à travers l’antiquité, il met fin aux essais aventureux de la renaissance, et pour long-temps détruit le scepticisme, le matérialisme et l’athéisme, enfans perdus de l’esprit nouveau qui s’égarait. Pour cela, Descartes n’a pas invoqué les parlemens, le bras séculier, les supplices : il a écrit le Discours de la Méthode et le livre des Méditations.


Victor Cousin.