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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

lieu l’espoir de profiter de ces grandes complications pour retenir la Lorraine et l’Alsace, en fondant ainsi l’influence française aux abords de l’Allemagne.

Ce travail a moins pour but d’exposer des évènemens trop connus que de faire ressortir les vues politiques par lesquelles ces évènemens furent constamment dominés. Nous n’avons donc à rappeler aucun des incidens de cette marche foudroyante à travers l’empire, qui, dans le cours d’une année, porta le roi de Suède de sa victoire de Leipsig à son glorieux tombeau de Lutzen. On sait la rapide décadence du parti suédois en Allemagne après la mort de Gustave. Lorsqu’une cause s’est faite homme, et que son représentant vient à disparaître, il est presque toujours impossible de rendre aux efforts individuels la puissance qu’ils ont consenti à abdiquer. Les protestans l’éprouvèrent lorsqu’ils eurent perdu l’héroïque chef devant lequel le monde avait semblé se taire un moment, comme devant Alexandre. Nordlingue vit périr la fleur de cette armée qui avait fait de sa patrie une grande puissance. Ferdinand retrouva le prestige de son pouvoir, si profondément ébranlé. Le découragement des alliés de la Suède permit à la cour de Vienne de les isoler de sa cause. La défection de la Saxe, acquise au prix d’avantages que l’immoralité politique de cette époque permettait d’offrir et d’accepter, vint porter le dernier coup aux affaires de la ligue protestante, et rouvrir devant Ferdinand II la perspective à laquelle Gustave-Adolphe avait seul pu le contraindre à renoncer.

La paix de Prague, signée en 1634 entre l’empereur et l’électeur de Saxe, régla d’une manière si arbitraire les nombreuses questions territoriales alors pendantes en empire, que, si ce traité avait été accepté par les membres du corps germanique, l’omnipotence impériale eût été à jamais fondée en droit et en fait. Le moment était donc arrivé de remplacer par une action décisive le concours financier accordé jusqu’alors aux puissances protestantes, et la période française de la guerre de trente ans allait enfin s’ouvrir. La défaite du maréchal de Horn et du duc de Weimar par les forces austro-espagnoles avait produit sur l’esprit du cardinal de Richelieu une impression profonde. Il n’hésita pas un moment à se mêler à la lutte que lui seul pouvait désormais prolonger, et à engager la guerre avec la cour impériale qu’il avait eu l’habileté de ne combattre jusqu’alors qu’avec les armes d’autrui. « La nouvelle de cette défaite apporta d’autant plus d’étonnement, que moins elle était attendue. Le cardinal crut qu’il n’y avait rien qui pût causer plus de désavan-