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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/746

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REVUE DES DEUX MONDES.

tage aux affaires du roi que de témoigner avoir le courage abattu pour ce mauvais succès, et représenta à sa majesté qu’il était certain que, si le parti était tout-à-fait ruiné, l’effort de la puissance de la maison d’Autriche tomberait sur la France ; qu’il était certain, de plus, que le pire conseil que la France pût prendre était de se conduire en sorte qu’elle pût demeurer seule à supporter l’effort de l’empereur et de l’Espagne, ce qui serait indubitable si elle ne recueillait et ne ralliait les restes de ce grand parti, au lieu qu’autrement il faudrait soutenir la guerre dans le cœur de la France sans l’assistance de personne ; que, si l’on considérait la dépense en cette occasion, et qu’on la voulût réduire en des termes si modérés qu’on la pût supporter long-temps, il fallait répondre que les grands accidens n’avaient pas de règle ; que, si on manquait à la faire extraordinaire pour remédier au mal présent et pressant, on se trouverait obligé d’en faire à l’avenir qui n’auraient point de fin, ne produiraient aucuns fruits et n’empêcheraient point notre ruine[1]. »

Voilà l’homme d’état dans l’austère et calme fermeté de sa pensée. Il ne devance pas par la précipitation de ses actes et les imprudences de ses paroles l’heure des résolutions irrévocables ; mais, lorsque cette heure a sonné, il n’hésite plus et il agit. Du jour où son parti est pris, Richelieu déploie une activité à peine croyable. Pendant que des préparatifs de guerre se font sur toutes les frontières du royaume, des agens diplomatiques parcourent l’Europe dans toutes les directions, relevant dans l’empire et dans le Nord la confiance ébranlée et les courages abattus. M. de Feuquières est partout à la fois ; le comte d’Avaux passe de Hollande en Danemark, de Danemark en Pologne, de Pologne en Suède, avec une rapidité qui permet à peine de suivre dans ses admirables dépêches les fils multipliés de négociations si complexes. Il faut rassurer la cour de Rome et la conscience même de la nation, en faisant ressortir le caractère véritable de la guerre où le pays va se trouver engagé : un traité conclu avec Oxenstiern donne des garanties nouvelles aux intérêts catholiques[2] ; il faut offrir des primes à toutes les ambitions : un traité d’alliance et de partage éventuel des Pays-Bas espagnols est conclu avec la Hollande[3], des conventions analogues sont négociées avec la Savoie

  1. Mémoires de Richelieu, liv. XXV.
  2. 7 octobre 1634.
  3. 8 février 1635. — La France devait avoir Cambrai et le Cambrésis, le Luxembourg, les comtés de Namur et de Hainault, l’Artois et la Flandre, jusqu’à une ligne qu’on tirerait de Blankenberg entre Dam et Bruges à Rupelmonde. Tout le reste