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WHITE-CHAPEL.

de distance en distance, s’ouvrent des impasses bordées de maisons à travers lesquelles on pénètre dans des cours enfouies entre quatre murailles ; et qui aboutissent à d’autres cours, le tout sans écoulement pour les eaux pluviales et ménagères, sans pavé pour assécher le sol, sans issue pour la circulation de l’air. Dans cet affreux labyrinthe, chaque famille n’a qu’une chambre pour se loger. La chambre non garnie coûte 4 à 5 shellings par semaine (255 à 330 francs par an), et l’empressement est tel pour l’occuper, qu’une famille y entre souvent sans attendre qu’on ait désinfecté le logement des émanations que la mort ou la maladie y a laissées[1].

Quelques mots maintenant sur cette population. L’on sait déjà qu’elle se compose, à peu près par égales portions, de juifs et d’Irlandais. Les juifs sont les maîtres du lieu ; ils en ont pris possession ; ils y ont leurs comptoirs, leurs maisons, leurs cimetières et leurs établissemens de charité. On voit bien que les enfans d’Israël sont là chez eux, car ils ne cherchent pas à se confondre avec la foule des chrétiens, et portent le costume distinctif de leur race, la barbe longue ainsi que le caftan. À Londres, White-Chapel est leur Ghetto.

L’aristocratie juive habite les meilleures rues, où ses maisons tranchent sur le reste par un extérieur décent et qui annonce l’aisance. Les rues étroites, les passages obscurs, sont occupés par la basse classe des juifs et par les Irlandais. Les deux races vivent souvent dans la même masure, mais sans se mêler et sans communiquer entre elles. Du reste, on les distingue sans peine. Les juifs sont plus industrieux ; ils ont de l’ordre, et, se nourrissant mieux, ils résistent avec plus de succès à l’influence des émanations putrides. Leurs

  1. Une maison dans la cour du Berger. « La maison est petite et contient quatre chambres, dont chacune se trouvait louée à une famille. Dans une des chambres, au rez-de-chaussée ; quatre personnes étaient malades de la fièvre, et dans l’autre trois ; au-dessus, trois personnes en souffraient en même temps. Il paraît que diverses familles avaient successivement occupé ces chambres, où la fièvre les avait toutes attaquées. Les officiers de la paroisse firent évacuer la maison, et portèrent la question devant les magistrats. Ceux-ci refusèrent d’abord d’intervenir, mais, sur les instances du médecin, ils mandèrent le propriétaire de la maison, et lui adressèrent des remontrances pour avoir permis que ces appartemens fussent occupés par différens locataires avant de les avoir désinfectés et blanchis, disant qu’il commettait une sérieuse infraction aux lois, et l’avertissant que, s’il louait encore la maison sans avoir pris les mesures de salubrité, un officier de police irait en déloger les habitans. Sur ce, le propriétaire, effrayé, promit de faire tout ce que l’on voudrait. Depuis que la maison a été désinfectée, de nouveaux locataires l’habitent, et aucun cas de fièvre ne s’est présenté. » (Rapport du D. S. Smith.)