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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

une lutte héroïque et sanglante, parvint à se constituer de la manière la plus démocratique. Des pasteurs choisis ou approuvés par les fidèles eux-mêmes, et toute autorité, toute juridiction, exercées par des assemblées religieuses et électives sous le nom de presbytère, synode et assemblée générale, voilà quel était l’état des choses en 1706, au moment de l’union. Or l’acte d’union eut soin de confirmer dans toute leur étendue les priviléges et prérogatives de l’église. Comme néanmoins chaque bénéfice avait un presbytère et un revenu garantis par l’état, ce mélange du spirituel et du temporel altéra là comme ailleurs l’indépendance de l’église et facilita certains empiètemens de l’autorité civile. C’est ce qui explique l’indifférence singulière avec laquelle les successeurs de John Knox acceptèrent en 1711 un statut de la reine Anne qui consacrait le patronage, c’est-à-dire le droit attribué à certains propriétaires de choisir les ministres de certaines paroisses au lieu et place de la communauté. Le choix du pasteur devenait ainsi une propriété et devait, à ce titre, échapper aux cours ecclésiastiques et rentrer dans le domaine des tribunaux civils.

Telle fut pendant tout le dernier siècle la situation de l’église écossaise. Vers 1750, quelques ministres pourtant avisèrent que cette situation n’était ni bien libre ni bien digne, et, se retirant de l’association générale, ces ministres formèrent une petite église à part dont le principe fut la séparation absolue de l’église et de l’état. Malgré des tiraillemens inévitables, la machine d’ailleurs continua à fonctionner, et entre les tribunaux civils d’une part et les presbytères, les synodes et les assemblées générales de l’autre, il n’y eut, jusqu’en 1834, aucun de ces conflits qui produisent des crises ; mais en 1834 tout changea. Le zèle religieux à cette époque s’était réveillé, et dans plusieurs localités les ministres choisis par les patrons, conformément au statut de la reine Anne, n’avaient point obtenu l’assentiment de la communauté. Le patronage commença donc à être attaqué comme une dérogation funeste aux anciennes libertés de l’église, et comme une immixtion impie des intérêts temporels dans les affaires religieuses. L’assemblée générale, qui se compose du corps des ministres à bénéfice et d’un certain nombre de délégués des anciens, partagea ces sentimens, et, sur la proposition du docteur Chalmers, adopta à une forte majorité ce qu’on a appelé la loi du veto. D’après cette loi, le patronage subsistait ; mais le ministre choisi par le patron devait en outre obtenir l’assentiment des communians. S’il ne l’obtenait pas, tout était fini, et le patron devait faire un autre choix. C’était, on le com-