Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/911

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
905
LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

légitimité des griefs de l’Irlande, taxa la politique ministérielle de grossière imbécillité (gross imbecility). Ce fut, on le pense bien, un grand scandale, et la jeune Angleterre eut de vertes remontrances à subir. « Ces messieurs, lui dit le Times, trouvent qu’on n’a pas assez fait pour l’Irlande ; et quand on s’étonne d’entendre des tories parler ainsi, ils prétendent que c’est la vieille politique tory qu’ils soutiennent, et qu’il y a deux siècles les catholiques irlandais combattaient pour les saines doctrines avec les tories contre les radicaux. C’est là un point de vue historique, non politique, et malgré toutes ses ressources, la jeune Angleterre aura peine à faire d’O’Connell un cavalier. »

Que sur ce point la jeune Angleterre ait raison ou tort, et que le parti tory, en persécutant odieusement depuis deux siècles les catholiques irlandais, ait été ou non fidèle à ses précédens, conséquent avec ses principes, cela importe peu. Ce qui importe, c’est que voici au sein même du parti tory quelques hommes qui ont de l’avenir et qui se prononcent pour l’Irlande. Malheureusement ce n’est pas de ce côté que vinrent pendant cette partie de la session les embarras de sir Robert Peel. Sir Robert Peel ne croyait pas que pour le moment du moins il y eut aucune concession nouvelle à faire à l’Irlande ; mais il croyait encore moins qu’il convînt de demander au parlement des pouvoirs extraordinaires et d’employer la force contre O’Connell et ses meetings. Bien que l’agitation fît des progrès visibles, il persistait donc dans son système de temporisation. Or, ce système devenait chaque jour plus insupportable à ses amis, et leur mécontentement, contenu dans le parlement, fit bientôt explosion dans la presse. C’est alors que le plus influent des journaux tories, le Times, passa subitement de la conciliation à la répression énergique, et publia contre l’Irlande et sir Robert Peel à la fois les articles les plus violens. Selon ce journal, il n’y avait point de compromis possible avec une tourbe rebelle dont l’idolâtrie politique n’avait d’égale que son idolâtrie religieuse, et la politique inerte de sir Robert Peel touchait à la trahison. « Le discours de sir Robert Peel, disait le Morning-Post le lendemain d’un grand débat, est respectable par sa longueur, méthodique dans son arrangement, débité avec une grande suavité de voix et de gestes, plein de doutes, gros de craintes, mais déplorablement privé de toute vigueur et de détermination. » Et pendant que toute la presse tory, le Standard excepté, parlait sur ce ton, il y avait de sourds murmures dans les deux chambres. Sir Robert Peel pourtant ne se laissa pas déborder, et tout ce