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DE LA LITTÉRATURE POLITIQUE EN ALLEMAGNE.

à l’ancienne. Chaque écrivain devrait ainsi déclarer d’avance à quelle Allemagne il destine son livre et dans quelles mains il désire le voir. Libéral, anti-libéral, ce sont là des désignations qui ne marquent point du tout la vraie différence. Tous ceux qui écrivent aujourd’hui pour la vieille Allemagne, — que ce soit pour la vieille aristocratie, pour les vieilles universités ou pour les vieux philistins, car ce sont là, comme on le sait, les trois parties qui la composent, — tous ceux-là ne portent-ils pas sur leurs armes les devises de la liberté ? Au contraire celui qui écrit pour la jeune Allemagne proclame par cela même qu’il ne reconnaît pas l’aristocratie des anciens jours, qu’il dévoue l’érudition décrépite de la vieille Allemagne aux caveaux souterrains des pyramides d’Égypte, qu’il déclare la guerre aux vieux philistins, et qu’il est décidé à les poursuivre sans relâche jusque sous la mèche de leur classique bonnet de nuit. C’est à toi, jeune Allemagne, que je dédie ces discours, épanchemens passagers d’une ame inquiète ; ils sont tous sortis du désir qui remplit mon cœur et qui me fait souhaiter pour mon pays une vie meilleure et plus belle. Je les ai prononcés en chaire, dans une académie de l’Allemagne du nord ; mais j’espère qu’ils ne vous porteront pas l’atmosphère des quatre facultés, laquelle n’a rien de très vivant, comme chacun sait. C’est à toi, jeune Allemagne, que je dédie ces discours à l’Allemagne brune comme à l’Allemagne blonde ; c’était cette dernière qui m’entourait alors : elle était la muse qui, deux fois par semaine, inspirait mon esprit. Non, rien n’enivre le cœur comme l’aspect de cette ardente jeunesse ; mais la colère et le découragement se mêlent à l’enthousiasme, quand on a devant soi ces prisonniers de nos universités pédantes. L’esclavage est leur étude, ce n’est pas la liberté. Ils sont forcés de tresser eux-mêmes les liens qui garrotteront leurs mains et leurs pieds. Les malheureux ! comme ils m’ont recherché, comme ils m’ont aimé quand je leur montrais, en image du moins, la liberté sainte ! » Voilà des paroles décisives : en proclamant, d’une façon si nette et si fière, pour quelle partie de son pays il prenait la plume, M. Louis Wienbarg divisait à jamais les deux camps, et la jeune Allemagne fut constituée.

En même temps qu’il lui donnait un nom, M. Wienbarg aurait bien voulu donner à cette jeunesse qu’il soulevait un programme à suivre. Je le répète, il n’a pas tenu à lui que cette brillante école, aujourd’hui dispersée, pût agir avec plus de force et fonder un mouvement d’idées plus durable. Ces Batailles esthétiques, dédiées à la jeune Allemagne, contiennent en effet et indiquent toute une direction ferme et hardie ; c’est le programme des girondins. Le livre, de M. Wienbarg n’est pas